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Le scanner de l’Hôpital Général Idrissa Pouye de Grand Yoff est en panne. L’établissement assure que les réparations sont en cours, que le problème est « technique et complexe », et que le contrat de maintenance est « actif ». Pourtant, cette situation révèle bien plus qu’un simple incident : elle expose une gestion défaillante, un manque criant de prévoyance, et une dépendance dangereuse à des solutions étrangères.
Comment un hôpital de référence peut-il se permettre de laisser ses patients sans diagnostic, sans plan B, et avec pour seule réponse des excuses et des promesses floues ?
La panne du scanner de Grand Yoff n’est pas un cas isolé. Au Sénégal, les pannes d’équipements médicaux sont fréquentes et coûteuses. Les dysfonctionnements de matériel, qu’il s’agisse de scanners, d’appareils de radiothérapie ou de machines de dialyse, retardent les diagnostics et aggravent l’état des patients. En 2021, une stratégie ambitieuse de modernisation du secteur de la santé avait été annoncée, mais les résultats tardent à se concrétiser.
Pire, le Sénégal ne compte que très peu de physiciens médicaux, et leur statut n’est même pas reconnu dans la fonction publique. Comment, dans ces conditions, espérer une maintenance efficace et rapide ? La dépendance aux fabricants étrangers aggrave la situation : les délais d’intervention, souvent longs, laissent les patients dans l’attente, parfois avec des conséquences dramatiques. Alors qu’en Europe, les hôpitaux disposent de protocoles d’urgence, de maintenance prédictive et de techniciens locaux formés, au Sénégal on en est encore à attendre qu’un expert venu de l’étranger, comme si la vie des malades pouvait patienter.
L’hôpital affirme que le scanner est « couvert par un contrat de maintenance actif ». Mais à quoi sert un contrat si, au premier incident technique, tout un service s’arrête net ? Un contrat de maintenance digne de ce nom devrait anticiper les pannes, former des équipes locales et prévoir des solutions de secours. Or, ici, la panne a surpris tout le monde, et les patients en paient le prix. Les dysfonctionnements récurrents des équipements médicaux sont souvent liés à une mauvaise gestion des contrats et à un manque de transparence.
Dans d’autres pays, les hôpitaux utilisent des logiciels de gestion de maintenance pour suivre l’état des équipements en temps réel, identifier les risques et planifier les interventions avant que la panne ne survienne. Au Sénégal, on en est encore à gérer les crises au cas par cas, sans vision à long terme. Combien de vies ou de diagnostics urgents ont été compromis par cette négligence organisationnelle ?
Aucun plan B n’existe. Un hôpital de référence ne peut se permettre de dépendre entièrement d’un fabricant étranger pour une réparation « complexe ». Où est le scanner de secours ? Où sont les techniciens locaux capables d’intervenir en urgence ? Si le contrat de maintenance est « actif », pourquoi n’a-t-il pas permis d’éviter cette panne ? Les contrats sont-ils vraiment adaptés aux besoins, ou ne servent-ils qu’à justifier des dépenses sans garantie de résultat ? L’hôpital parle d’un « incident technique complexe », mais sans préciser les causes, les délais de réparation ni les mesures prises pour éviter une récidive. Les patients méritent mieux que des communiqués vagues.
La dépendance est également dangereuse : le Sénégal importe une grande partie de ses équipements médicaux, ce qui rend le système vulnérable aux retards, aux pénuries et aux aléas géopolitiques. Pourquoi ne pas investir dans la formation de techniciens locaux et dans une autonomie technologique ?
Dans d’autres pays, les hôpitaux ont appris à anticiper les pannes grâce à la maintenance prédictive et à des équipes dédiées. En France, par exemple, des systèmes de gestion assistée par ordinateur permettent de suivre l’état des équipements et de planifier les interventions. Aux États-Unis et en Europe, les fabricants doivent respecter des normes strictes de disponibilité et de réactivité, les hôpitaux disposent de pièces de rechange sur place et de techniciens formés, et des protocoles d’urgence permettent de rediriger les patients vers d’autres structures sans perte de chance. Au Sénégal, on en est encore à attendre que le fabricant étranger daigne envoyer un expert.
La panne du scanner de l’Hôpital Idrissa Pouye n’est pas une fatalité. Elle est le résultat d’une gestion défaillante, d’un manque de prévoyance et d’une dépendance excessive à l’étranger. Les excuses ne suffisent plus. Il est urgent de former des techniciens locaux capables d’intervenir rapidement, d’exiger des contrats de maintenance plus stricts avec des clauses de réactivité et de transparence, d’investir dans des équipements de secours et de rendre des comptes sur les responsabilités.
Les patients sénégalais méritent un système de santé fiable, transparent et autonome. Un contrat de maintenance ‘actif’ ne sert à rien si, au premier incident, tout s’arrête. La vraie préparation, c’est celle qui sauve des vies, pas celle qui se contente d’excuses.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Anta Sylla.
Mis en ligne : 07/09/2025
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