« Si tu ne reviens pas, je dis tout » : L’histoire d’une femme enceinte du marabout - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Confidence | Par Eva | Publié le 10/09/2025 10:09:30

« Si tu ne reviens pas, je dis tout » : L’histoire d’une femme enceinte du marabout

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Une femme, mariée mais sans enfant, subit des pressions de sa belle-famille qui menace de donner une deuxième épouse à son mari si elle ne tombe pas enceinte. Désespérée, elle se tourne vers un marabout (un guérisseur traditionnel) sur les conseils d’une amie, bien qu’elle n’y croie pas vraiment.

Le marabout lui demande de suivre un rituel étrange : porter un slip sans le laver pendant trois jours, puis le lui apporter. Ensuite, il lui donne une pommade à « administrer » d’une manière qui la met mal à l’aise. Lors de la première visite, il lui demande de s’allonger et de se déshabiller, comme chez le gynécologue, mais elle voit qu’il sort son sexe et s’enfuit. Sous la pression de sa belle-famille, elle retourne le voir et subit ce « traitement » pendant deux semaines.

Quelques temps après, elle constate qu’elle est enceinte. Elle couche rapidement avec son mari pour lui faire croire que c’est lui le père. Mais le marabout la recontacte : il prétend savoir que l’enfant est de lui et la menace de tout révéler si elle ne revient pas le voir régulièrement pour d’autres « soins ».

Ce témoignage n’est pas un cas isolé, mais le symptôme d’un système où la peur du rejet, la toute-puissance des traditions et l’absence de protection juridique transforment la quête de maternité en cauchemar.

En Afrique subsaharienne, jusqu’à 42 % des couples peinent à concevoir, un taux bien supérieur à la moyenne mondiale. Pourtant, c’est presque toujours la femme qui en porte la responsabilité, accusée, rejetée, parfois répudiée. Face à cette pression, beaucoup se tournent vers des solutions extrêmes, faute d’accès à des soins médicaux adaptés et abordables. Les marabouts, perçus comme des guérisseurs, deviennent alors des prédateurs, exploitant la détresse féminine sous couvert de rituels. Pire, ces pratiques s’inscrivent dans un contexte où les violences sexuelles sont rarement dénoncées : en 2023, 87 % des cas enregistrés au Sénégal concernaient des femmes ou des filles, souvent mineures, et les auteurs jouissent d’une impunité quasi totale.

Le récit de cette femme révèle une chaîne de complicités : la belle-famille qui menace, l’amie qui conseille le marabout, le mari qui ferme les yeux, et enfin le marabout lui-même, qui use de son autorité spirituelle pour commettre un viol déguisé en « traitement ». Chaque maillon de cette chaîne participe à la normalisation de l’abus. Le chantage final « si tu ne reviens pas, je révèle tout » illustre la double peine infligée aux victimes : violées, puis réduites au silence par la honte et la peur.

Ce schéma n’est pas une exception. Au Sénégal, des filles de 12 ans sont violées par des marabouts, et des femmes tétraplégiques se retrouvent enceintes après des agressions. En Mauritanie, au Maroc, ou en RDC, les lois existent, mais leur application reste aléatoire, et les normes sociales protègent souvent les agresseurs. La culture du secret et la peur des représailles maintiennent les victimes dans l’ombre.

Dans des sociétés où la maternité définit la valeur d’une femme, l’incapacité à enfanter devient une malédiction. Les familles, plutôt que de soutenir, exacerbent la souffrance en brandissant la menace du divorce ou de la polygamie. Les marabouts profitent de l’absence de solutions médicales accessibles. Leur pouvoir repose sur la crédulité et la vulnérabilité, mais aussi sur le silence des institutions. Les cas de violences sexuelles commis par des marabouts sont légion, mais rarement jugés. En 2023, 166 cas ont été recensés au Sénégal, sans que cela n’émeuve durablement l’opinion. Tant que la société continuera à culpabiliser les femmes stériles et à tolérer les dérives des « guérisseurs », ces drames se répéteront.

Cette situation rappelle d’autres contextes où la religion ou la tradition servent de paravent à l’exploitation :

En Inde, des « gourous » abusent de leurs disciples sous prétexte de « purifications spirituelles ». En Europe, des sectes manipulent leurs adeptes en jouant sur leur isolement et leur dépendance affective. Partout, le schéma est le même : un déséquilibre de pouvoir, une victime isolée, et une communauté qui détourne le regard.

Le vrai scandale n’est pas seulement l’acte du marabout, mais l’ensemble des pressions qui poussent une femme à l’accepter. Pour y mettre fin, il faut :

Sensibiliser sur les causes réelles de l’infertilité et les solutions médicales. Renforcer les lois et les appliquer, en offrant un soutien juridique et psychologique aux victimes. Briser l’omerta autour des violences sexuelles, y compris quand elles sont commises par des figures respectées.

La maternité ne devrait jamais être un champ de bataille. Pourtant, tant que les femmes seront jugées sur leur capacité à enfanter, et tant que les abuseurs agiront en toute impunité, des histoires comme celle-ci continueront de se répéter. Il est temps que la honte change de camp.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 10/09/2025

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