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L’Argentine est une fois de plus secouée par un scandale de corruption, mais cette fois, il touche le cœur même du pouvoir. La diffusion d’enregistrements audios mettant en cause Karina Milei, sœur et secrétaire générale de la présidence, a révélé un système présumé de détournement de fonds publics au sein de l’Agence nationale pour le handicap (Andis). Plutôt que de faire la lumière sur ces allégations, le gouvernement a choisi de porter plainte pour « espionnage illégal » et de faire interdire la diffusion de ces preuves par la justice.
Une décision qui soulève de graves questions : Karina Milei, bras droit et « cheffe » autoproclamée de son frère le président, bénéficie-t-elle d’une immunité de fait ? Pourquoi une telle opacité entoure ses activités ? Et surtout, qui profite vraiment des deniers de l’État, alors que des milliers d’Argentins handicapés attendent des soins et des aides ?
Karina Milei n’est pas une simple collaboratrice. Nommée secrétaire générale de la présidence par son frère, elle incarne le népotisme assumé d’un gouvernement qui a modifié la loi anti-népotisme pour lui ouvrir les portes du pouvoir. Les enregistrements révélés par la presse suggèrent qu’elle aurait perçu 3 % du montant des contrats passés entre l’Andis et l’entreprise pharmaceutique Suizo Argentina, soit des centaines de milliers de dollars de commissions occultes. Ces fonds, destinés à l’achat de médicaments pour les personnes handicapées, auraient ainsi été détournés au profit d’un cercle restreint autour du président. Pourtant, malgré les perquisitions menées par la justice, aucune arrestation n’a eu lieu, et Karina Milei reste en poste, protégée par le silence complice des institutions.
L’affaire Milei s’inscrit dans une longue tradition argentine de corruption impunie. Selon Transparency International, l’Argentine est l’un des pays d’Amérique latine où l’impunité « prime sur l’intégrité », malgré des lois censées lutter contre ces dérives. Les enregistrements, dans lesquels l’ex-directeur de l’Andis évoque clairement le versement de pots-de-vin à Karina Milei, devraient suffire à déclencher une enquête approfondie. Pourtant, la réaction du gouvernement a été de criminaliser la presse et de tenter d’étouffer l’affaire, plutôt que de laisser la justice faire son travail. Amnesty International a dénoncé une « atteinte à la liberté d’expression » et une « criminalisation du journalisme d’investigation ».
Karina Milei est présentée comme la « Première dame » de l’Argentine, directrice de campagne de son frère et aujourd’hui secrétaire générale de la présidence. Son influence est telle que Javier Milei lui-même la qualifie de « sa cheffe ». Pourtant, son rôle exact dans la gestion des fonds publics reste flou, et ses déclarations publiques sur le scandale se font rares.
Les contrats de l’Andis avec Suizo Argentina, une entreprise déjà sous le feu des critiques, auraient servi de vecteur à un système de rétrocommissions. Les perquisitions ont révélé des enveloppes contenant des centaines de milliers de dollars en liquide, sans que l’origine ou la destination de ces sommes ne soient clairement établies.
La plainte pour « espionnage illégal » et l’interdiction de diffuser les audios sentent la manœuvre de diversion. En Argentine, les scandales de corruption sont légion, mais les condamnations restent exceptionnelles. La justice, souvent instrumentalisée, peine à poursuivre les puissants.
L’Argentine n’est pas un cas isolé. Dans de nombreux pays, les proches des dirigeants bénéficient d’une impunité de fait, comme en France avec l’affaire des attachés parlementaires du RN ou en Amérique latine avec les scandales impliquant les familles présidentielles. Mais ce qui frappe ici, c’est l’audace avec laquelle le clan Milei assume son pouvoir, tout en dénonçant la « caste » politique qu’il prétend combattre. Javier Milei, élu sur un programme de lutte contre la corruption, reproduit ainsi les pires travers de ceux qu’il critique.
Ce scandale révèle une vérité amère : en Argentine, la justice semble toujours plus prompte à protéger les puissants qu’à défendre l’intérêt général. Tant que Karina Milei restera en poste et que les enquêtes seront entravées, le message envoyé aux Argentins sera clair : certains sont au-dessus des lois. À l’approche des élections législatives, les électeurs auront à choisir entre valider cette dérive ou exiger des comptes. Car, comme le résume une manifestante à Buenos Aires : « En Argentine, il semble que le seul handicap soit celui de la justice à poursuivre les puissants. »
Jusqu’où ira l’impunité du clan Milei ? La réponse dépendra de la capacité des Argentins à dire « basta ».
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Modou Diouf.
Mis en ligne : 10/09/2025
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