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Un témoignage déchirant a récemment circulé sur les réseaux sociaux : une femme, mariée et mère de deux enfants, enceinte de trois mois, se confiait sur la souffrance infligée par son mari, décidé à épouser une seconde femme avant même la naissance de leur troisième enfant. « Je n’ai pas de problème qu’il prenne une deuxième femme, mais il ne peut pas attendre que j’accouche ? », s’interroge-t-elle, exprimant un désarroi partagé par tant d’autres.
Ce récit, aussi personnel qu’universel, met en lumière une réalité sociale souvent minimisée : la polygamie, présentée comme une tradition ou un choix, est trop souvent une source de souffrance et d’injustice pour les femmes.
Au Sénégal, la polygamie est légale et profondément ancrée dans les mœurs, notamment en milieu rural où près de 40 % des femmes vivent en union polygame, contre 29 % en milieu urbain. Le pays compte même, depuis 2024, un président ouvertement polygame, Bassirou Diomaye Faye, dont l’élection a relancé les débats sur cette pratique. Pourtant, derrière les chiffres et les symboles de réussite sociale, se cachent des réalités bien plus sombres : stress psychologique, précarité économique, et surtout, une inégalité structurelle entre les sexes. Les femmes, souvent sans recours légal pour s’opposer à la décision de leur mari, subissent cette situation comme une fatalité, malgré les risques accrus de dépression, de négligence médicale et de complications pendant la grossesse.
Le témoignage de cette femme enceinte illustre parfaitement l’hypocrisie d’un système qui, sous couvert de tradition, impose aux femmes des sacrifices inacceptables. Comment justifier qu’un homme, alors que sa femme porte leur enfant, choisisse de partager son attention, ses ressources et son affection avec une autre ? La polygamie n’est pas qu’une question de choix personnel : elle est le reflet d’une société où les désirs des hommes priment sur le bien-être des femmes et des enfants. Les études montrent que les femmes en union polygame ont moins accès à la planification familiale et subissent une pression sociale constante pour accepter une situation qui, dans les faits, les marginalise.
Les arguments en faveur de la polygamie comme la « protection » des femmes célibataires ou la « tradition » ne tiennent pas face à la réalité : cette pratique aggrave les inégalités, expose les enfants à des risques accrus de pauvreté et de négligence, et place les épouses dans une compétition permanente pour les faveurs d’un mari souvent absent. Pire, elle est parfois présentée comme un « service rendu » aux femmes, comme si le mariage était un privilège plutôt qu’un partenariat égalitaire.
Une grossesse est une période critique, tant sur le plan physique que psychologique. Imposer à une femme enceinte le stress d’une nouvelle union dans le foyer, c’est mettre en danger sa santé et celle de l’enfant à naître. Les risques de dépression post-partum, déjà élevés, sont décuplés par l’angoisse de l’abandon et la peur de perdre son statut dans la famille.
La polygamie est rarement un choix libre pour les femmes. Elle est souvent subie, sous la pression familiale ou sociale, dans un contexte où le divorce ou le célibat sont encore stigmatisés. Les hommes, eux, bénéficient d’une liberté que la loi et la coutume leur réservent.
Alors que les Sénégalaises sont de plus en plus éduquées et indépendantes, la polygamie apparaît comme un vestige d’un passé où les femmes étaient considérées comme des propriétés. Les jeunes générations, notamment urbaines, remettent de plus en plus en question cette pratique, comme en témoignent les débats récents sur les réseaux sociaux et dans les médias.
Dans d’autres pays africains, comme la Tunisie ou le Maroc, des réformes du code de la famille ont limité ou encadré strictement la polygamie, exigeant le consentement de la première épouse et des garanties financières pour toutes les femmes du foyer. Ces exemples montrent qu’il est possible de concilier respect des traditions et protection des droits des femmes. Pourquoi le Sénégal, qui se targue d’être une démocratie moderne, persiste-t-il à tolérer une pratique qui discrimine la moitié de sa population ?
La polygamie n’est pas une fatalité. Elle est le produit de lois et de mentalités qui peuvent et doivent évoluer. Le témoignage de cette femme enceinte est un appel à la solidarité et à l’action : il faut que la société sénégalaise, dans son ensemble, reconnaisse que la dignité des femmes ne peut plus être sacrifiée au nom de la tradition. Les pouvoirs publics, les leaders religieux et les citoyens doivent engager un dialogue franc pour réformer le code de la famille et protéger les droits des épouses et des enfants.
Comme le soulignait la féministe Awa Seck, « aucun homme sénégalais ne respecte vraiment les femmes tant que la polygamie sera une norme ». Il est grand temps d’écouter ces voix et d’agir pour une société où chaque femme, chaque enfant, peut vivre dans la sécurité et le respect.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 24/09/2025
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