Le calvaire de Mbayang Thiam : Symbole d’un système de santé en échec - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - People | Par Eva | Publié le 29/09/2025 08:09:30

Le calvaire de Mbayang Thiam : Symbole d’un système de santé en échec

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L’annonce récente de la perte de vue de Mbayang Thiam, ancienne présentatrice emblématique de la 2STV, a ému le public sénégalais. Après des années d’absence des écrans, elle révèle aujourd’hui son combat contre une maladie rare, mal comprise, qui l’a contrainte à chercher des soins en Tunisie et en France, sans succès durable. Si son parcours force l’admiration pour son courage, il interroge surtout sur les défaillances criantes des systèmes de santé, au Sénégal comme à l’étranger, face aux maladies rares.

Son cas n’est malheureusement pas isolé : il illustre l’échec collectif à diagnostiquer, traiter et accompagner les patients atteints de pathologies complexes, et souligne une inégalité d’accès aux soins qui frappe d’abord les plus vulnérables.

Les maladies rares, définies comme affectant moins d’une personne sur 2000, concernent pourtant des millions de personnes dans le monde. En Afrique, leur prise en charge est souvent tardive, voire inexistante, faute de moyens, de recherche et de structures adaptées. Au Sénégal, malgré des progrès dans la lutte contre les maladies tropicales négligées, les maladies rares restent le parent pauvre des politiques de santé. Le Plan stratégique national 2022-2025 du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale se concentre sur 17 maladies tropicales négligées, mais les maladies rares, souvent génétiques ou dégénératives, ne bénéficient ni de la même attention ni des mêmes ressources. Pire, le dépistage néonatal n’y est pas systématique, laissant des milliers de patients sans diagnostic ni traitement précoce.

Mbayang Thiam, avec ses moyens, a pu voyager à l’étranger pour tenter de se soigner. Pourtant, même en France, pays doté de centres de référence labellisés et d’un Plan National Maladies Rares ambitieux, les solutions manquent pour les pathologies les plus complexes. Son errance médicale pose une question glaçante : si une personnalité connue et aisée peine à obtenir un diagnostic et un traitement efficace, que reste-t-il aux citoyens ordinaires ? Les patients sénégalais confrontés à des maladies rares n’ont souvent d’autre choix que de se tourner vers l’étranger, à leurs frais, ou de renoncer aux soins. Les associations et les rares initiatives locales, comme le projet de recherche sur les ataxies héréditaires au Sénégal, restent insuffisantes face à l’ampleur des besoins.

La plupart des connaissances sur les maladies rares proviennent de populations européennes ou nord-américaines. En Afrique, le manque de données génétiques et épidémiologiques rend le diagnostic et le traitement encore plus difficiles.

Les patients aisés peuvent tenter leur chance à l’étranger, mais la majorité n’a pas les moyens de financer des consultations, des examens ou des traitements coûteux. Les assurances locales ne couvrent que rarement ces pathologies, et les structures sénégalaises, bien que parfois performantes, manquent de spécialistes et d’équipements adaptés.

La recherche sur les maladies rares est peu attractive pour les laboratoires pharmaceutiques, en raison de faibles perspectives commerciales. Les financements publics, bien que nécessaires, restent insuffisants et mal répartis.

En France, plus de 3 millions de personnes sont touchées par des maladies rares, et le pays dispose de 390 centres de référence. Pourtant, même là-bas, les parcours sont longs et complexes. En Afrique, l’écart se creuse : les patients doivent souvent se contenter de soins palliatifs, quand ils en bénéficient. Le projet récent visant à améliorer le diagnostic et le traitement des maladies rares au Sénégal et au Nigéria, soutenu par une subvention de 50 000 dollars, est une goutte d’eau dans un océan de besoins.

Le calvaire de Mbayang Thiam doit servir de déclic. Il faut que les États africains, avec l’appui de la communauté internationale, investissent massivement dans la recherche, la formation des médecins et la création de centres spécialisés. Les maladies rares ne doivent plus être le symbole d’un système de santé à deux vitesses, où seuls les plus riches ou les plus chanceux ont une chance de s’en sortir. Sans une mobilisation collective, des milliers de patients continueront de souffrir dans l’ombre, abandonnés par des systèmes de santé qui les ignorent.

Combien de Mbayang Thiam faudra-t-il encore pour que les maladies rares deviennent une priorité ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Adama Ba.
Mis en ligne : 29/09/2025

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