Quand un condamné défie l’État de droit : Sarkozy contre la justice - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - International | Par Eva | Publié le 02/10/2025 01:10:00

Quand un condamné défie l’État de droit : Sarkozy contre la justice

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L’interview accordée par Nicolas Sarkozy au Journal du Dimanche, le 28 septembre 2025, a relancé une polémique aussi prévisible qu’inquiétante. L’ancien président, condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs dans l’affaire des financements libyens, y dénonce une justice « haineuse » et une violation des « limites de l’État de droit ». Pourtant, ce n’est pas la justice qui est en procès, mais bien la capacité de la démocratie française à résister à l’influence démesurée d’un homme condamné, dont les attaques systématiques contre les magistrats et les institutions menacent les fondements mêmes de notre République.

Nicolas Sarkozy a été condamné le 25 septembre 2025 à cinq ans de prison ferme, avec exécution provisoire, pour avoir « laissé ses proches » organiser un financement illégal de sa campagne de 2007 par la Libye de Kadhafi. Le tribunal a souligné la « gravité exceptionnelle » des faits, « de nature à altérer la confiance des citoyens » dans leurs institutions. Pourtant, plutôt que d’accepter le verdict, l’ex-président a choisi l’affrontement, accusant la justice de partialité et de « haine ». Cette stratégie n’est pas nouvelle : depuis des années, Sarkozy utilise les médias et les réseaux sociaux pour transformer ses démêlés judiciaires en combat politique, mobilisant ses soutiens et discréditant ses juges.

Ce qui est nouveau, en revanche, c’est l’ampleur des menaces contre les magistrats notamment la présidente du tribunal, visée par des appels au meurtre sur les réseaux sociaux et le silence assourdissant d’une partie de la classe politique, notamment à droite, face à ces dérives. La justice, pilier de l’État de droit, se retrouve ainsi prise en étau entre les attaques d’un condamné et l’indifférence, voire la complicité, de ceux qui devraient la défendre.

Les médias traditionnels et les plateformes numériques jouent un rôle central dans cette crise. Les grands titres de presse, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont largement relayé les déclarations de Sarkozy, lui offrant une tribune démesurée pour un homme en position de condamné. Les chaînes d’information en continu, les talk-shows et les unes des journaux ont fait de son procès un feuilleton politique, souvent au détriment d’une analyse sereine des faits. Pendant ce temps, les réseaux sociaux, et X (ex-Twitter) en particulier, sont devenus des caisses de résonance pour les attaques contre la justice, sans contre-pouvoir ni modération efficace. Les menaces contre les magistrats, parfois accompagnées de leurs coordonnées personnelles, s’y multiplient, dans une impunité relative.

Cette surmédiatisation n’est pas anodine : elle participe d’une stratégie délibérée de diversion. En focalisant l’attention sur le « martyr » Sarkozy, on occulte le fond de l’affaire une corruption « au plus haut niveau de l’État », selon les mots mêmes du tribunal. Pire, certains responsables politiques, plutôt que de condamner fermement ces attaques, préfèrent les instrumentaliser, alimentant ainsi la défiance envers les institutions. Le Rassemblement National, par exemple, dénonce une « justice politisée », tandis que des figures de la droite républicaine gardent un silence gêné, comme si la solidarité partisane primait sur le respect de l’État de droit.

Les menaces contre les magistrats ne sont pas des incidents isolés. Elles s’inscrivent dans une campagne systématique de délégitimation de la justice, menée par Sarkozy et ses relais. Or, une justice intimidée est une justice affaiblie, incapable de garantir l’égalité de tous devant la loi. Comme l’a rappelé le président Macron, « l’indépendance de l’autorité judiciaire et la protection des magistrats en sont les piliers essentiels ». Quand un condamné peut impunément accuser ses juges de « haine » et voir ses partisans menacer leur vie, c’est l’État de droit tout entier qui vacille.

En accordant une couverture disproportionnée aux déclarations de Sarkozy, les médias contribuent à banaliser ses attaques. Ils offrent une légitimité à un discours qui, dans tout autre contexte, serait qualifié de subversif. Comme l’a montré l’histoire récente, cette complaisance médiatique a déjà permis à des figures controversées de dominer le débat public, au détriment de la vérité et de la mesure.

Les plateformes numériques, par leur algorithme et leur manque de régulation, amplifient les discours les plus extrêmes. Les appels à la violence contre les magistrats y circulent librement, tandis que les voix modérées peinent à se faire entendre. Cette asymétrie est un terreau fertile pour la radicalisation et la polarisation de la société.

Le mutisme de nombreux responsables de droite face aux attaques de Sarkozy est révélateur. En refusant de condamner clairement ces dérives, ils se rendent complices d’une entreprise de sape des institutions. Leur silence envoie un message dangereux : pour certains, la loyauté partisane passe avant le respect de la loi.

Dans d’autres démocraties, des dirigeants condamnés ont accepté leur sort sans chercher à mobiliser l’opinion contre la justice. En Italie, Silvio Berlusconi a purgé sa peine sans déclencher de crise institutionnelle. Aux États-Unis, des figures politiques condamnées, comme le gouverneur Rod Blagojevich, n’ont pas bénéficié d’un tel traitement médiatique. En France, en revanche, la personnalisation excessive du débat politique et la porosité entre médias et pouvoir ont créé un terreau favorable à ce type de dérive.

La condamnation de Nicolas Sarkozy est un test pour la démocratie française. Si la justice doit être critique et perfectible, elle ne peut être la cible d’attaques systématiques de la part d’un condamné, relayées par des médias en mal de sensationnel et des réseaux sociaux sans garde-fou. Il faut que les responsables politiques, les journalistes et les citoyens rappellent une évidence : dans un État de droit, personne n’est au-dessus des lois, et personne ne peut se substituer aux juges.

La véritable atteinte à l’État de droit n’est pas la condamnation d’un ancien président, mais bien la tentative de le placer au-dessus des institutions. Face à cette dérive, il appartient à chacun médias, politiques, citoyens de retrouver le sens de la mesure et de la responsabilité. Sinon, c’est la crédibilité même de notre démocratie qui sera en jeu.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Bernard T.
Mis en ligne : 02/10/2025

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