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Un récent rapport de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) révèle un paradoxe saisissant : la région de Kédougou, au Sénégal, affiche le PIB par habitant le plus élevé du pays (2 658 305 FCFA en 2022), tout en enregistrant un taux de pauvreté de 65,7 %. Comment une région aussi riche peut-elle être aussi pauvre ? Ce contraste interpellant met en lumière l’illusion d’une croissance économique qui, trop souvent, ne profite qu’à une minorité et aggrave les inégalités, laissant la majorité de la population dans la précarité.
Kédougou doit sa richesse apparente à l’exploitation minière, notamment de l’or, qui attire investisseurs étrangers et élites locales. Pourtant, cette manne ne se traduit pas par une amélioration des conditions de vie. Les revenus des mines, bien que colossaux (147 milliards de FCFA de contribution en 2023, dont 139,5 milliards alloués à l’État), ne semblent pas irriguer l’économie locale. Les redevances minières, censées financer le développement, sont souvent détournées ou mal redistribuées, tandis que les indicateurs sociaux (accès à l’eau, éducation, santé) stagnent.
La croissance du PIB à Kédougou est principalement tirée par les industries extractives, dont les bénéfices profitent avant tout aux actionnaires étrangers et à une élite locale. Les entreprises minières, bien qu’assujetties à des redevances, paient-elles vraiment leur juste part ? Les fonds destinés aux collectivités locales tardent à arriver, et les infrastructures de base restent défaillantes. Pire, la baisse de la production aurifère en 2022 a entraîné un recul de l’activité économique régionale (-8,7 %), aggravant la précarité des populations.
Les revenus des mines sont captés par une minorité, sans création d’emplois locaux durables ni investissements dans les services publics. Les populations locales, bien que vivant sur des terres riches en ressources, subissent les impacts environnementaux et sociaux sans en tirer profit.
Le PIB par habitant ne reflète pas la réalité vécue. À Kédougou, comme au Nigeria ou en Afrique du Sud, la croissance économique coexiste avec une pauvreté persistante, voire croissante. La Banque mondiale rappelle que la croissance seule ne suffit pas à réduire la pauvreté si elle n’est pas accompagnée de politiques redistributives.
Le Kenya, le Rwanda ou le Brésil montrent que des disparités régionales extrêmes peuvent persister malgré une croissance globale. Sans redistribution, la richesse se concentre dans les mains de quelques-uns, laissant les régions productrices dans le dénuement.
Le cas de Kédougou illustre l’échec d’un modèle de développement fondé sur l’extraction des ressources sans partage équitable des bénéfices. Une croissance qui ne réduit pas la pauvreté est une croissance vide de sens. Il faut repenser les mécanismes de redistribution, renforcer la transparence dans la gestion des redevances minières et investir dans les services essentiels. Sinon, le PIB restera un chiffre creux, et la pauvreté, une réalité tenace.
Une réforme fiscale ambitieuse, un contrôle accru sur les flux financiers des multinationales et une meilleure gouvernance locale sont indispensables pour transformer la richesse minière en développement humain. La question n’est pas seulement économique, mais aussi éthique : à quoi sert une croissance qui ne profite pas à ceux qui la rendent possible ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Diop.
Mis en ligne : 06/10/2025
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