Les masques tombent : Salimata Dieng, victime d'une vérité qui dérange - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 20/10/2025 12:10:00

Les masques tombent : Salimata Dieng, victime d'une vérité qui dérange

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Le limogeage de Salimata Dieng, adjointe secrétaire générale nationale de la Jeunesse Patriotique du Sénégal (JPS) et chargée de mission à la Présidence, a fait l’effet d’une bombe dans les rangs du parti PASTEF. Officiellement, c’est un post Facebook, jugé trop critique envers la gestion du pouvoir par le président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, qui lui a valu sa disgrâce.

Pourtant, depuis des mois, des voix bien plus influentes au sein du parti et de l’État n’ont pas hésité à exprimer publiquement leurs désaccords, leurs critiques, voire leurs attaques frontales contre la ligne politique du tandem exécutif. Alors, pourquoi Salimata Dieng, et elle seule, paie-t-elle le prix fort pour avoir osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas ?

Ce limogeage est une injustice flagrante, révélatrice d’un double standard qui frappe les militants de base, et surtout les jeunes, tandis que les « intouchables » du régime bénéficient d’une impunité déconcertante. Ce cas illustre une fois de plus le mépris avec lequel la jeunesse du PASTEF est traitée, alors même qu’elle a été le fer de lance de la conquête du pouvoir.

Depuis l’arrivée du PASTEF au pouvoir, les promesses de rupture, de transparence et d’inclusion des jeunes se heurtent à une réalité bien différente. Les militants, ces soldats de l’ombre qui ont risqué leur vie pour porter le parti au sommet, se voient aujourd’hui relégués au rang de figurants, voire de boucs émissaires. Salimata Dieng, dans son post devenu viral, dénonce avec justesse un « laxisme grandissant », un « bureau politique aphone » et une « accumulation de mauvais choix » qui minent le parti de l’intérieur. Elle pointe du doigt l’oubli des ex-détenus, l’éviction des militants compétents, et le confinement des jeunes à des postes de « chargés de mission » sans missions réelles. Des constats accablants, partagés par de nombreux observateurs et même par certains cadres du parti, mais qui, lorsqu’ils sont formulés par une femme, une jeune, une militante de base, deviennent soudainement inacceptables.

Pourtant, Ousmane Sonko lui-même n’a pas hésité, à plusieurs reprises, à critiquer publiquement le président Diomaye Faye, allant jusqu’à évoquer un « problème d’autorité » au sommet de l’État. En juillet 2025, lors de l’installation du Conseil national du PASTEF, il a fustigé les « pressions, manipulations et tentatives de division » dont il serait la cible, et a même interpellé Diomaye Faye pour qu’il « prenne ses responsabilités » ou qu’il le « laisse gouverner ». Des déclarations bien plus frontales que celles de Salimata Dieng, mais qui n’ont valu à leur auteur aucune sanction, bien au contraire.

De même, des directeurs généraux, des ministres, des porte-parole du parti ont, à plusieurs reprises, exprimé des avis divergents ou des critiques envers la gouvernance actuelle. Certains, comme Mouhamed Bilal Diatta, ont publiquement rappelé à Diomaye Faye qu’il devait son poste à Ousmane Sonko, sans pour autant être inquiétés. Alors, pourquoi Salimata Dieng ?

Le limogeage de Salimata Dieng n’est pas un simple acte disciplinaire. C’est un message adressé à toute la jeunesse du PASTEF : taisez-vous, ou vous serez exclus. C’est une tentative de museler une génération qui refuse de se contenter de miettes, qui exige d’être associée aux décisions et qui rappelle, à juste titre, que le pouvoir leur revient de droit. Son post, loin d’être une attaque personnelle, était un cri d’alarme, un appel à redresser la barre avant qu’il ne soit trop tard. Mais au lieu d’écouter, le pouvoir a choisi de sanctionner.

Ce deux poids deux mesures est d’autant plus choquant qu’il intervient dans un contexte où les tensions internes au PASTEF sont palpables. Les divergences entre Diomaye Faye et Ousmane Sonko, les luttes de clans, les querelles de leadership, tout cela est connu, commenté, analysé. Pourtant, seuls les petits sont punis. Les grands, eux, peuvent se permettre de critiquer, de diviser, d’affaiblir le parti sans craindre de représailles. Salimata Dieng, elle, a osé briser l’omerta. Elle a osé dire que l’empereur était nu. Et pour cela, elle a été sacrifiée.

Son limogeage discret, presque honteux, est révélateur. La Présidence a tenté de faire passer l’affaire sous silence, comme si elle avait honte de sa propre décision. Mais le mal est fait : en sanctionnant une militante pour un post Facebook, alors que des cadres bien plus en vue s’expriment librement, le pouvoir montre son vrai visage. Celui d’un régime qui craint ses propres militants, qui redoute la vérité, et qui préfère la répression à la remise en question.

Salimata Dieng n’a fait que reprendre, avec moins de virulence, des critiques déjà formulées par Ousmane Sonko lui-même. Si le Premier ministre peut s’en prendre publiquement au président sans conséquence, pourquoi une simple militante serait-elle sanctionnée pour un post sur les réseaux sociaux ? Cette inégalité de traitement est une insulte à l’intelligence collective et une preuve de la peur que le pouvoir a de sa propre base.

Les jeunes du PASTEF ont été les artisans de la victoire électorale. Ils ont manifesté, été emprisonnés, parfois tués, pour porter le parti au pouvoir. Aujourd’hui, on leur demande de se taire, de se contenter de titres honorifiques sans pouvoir réel. Salimata Dieng, en tant que responsable de la JPS, avait le devoir de défendre les intérêts de cette jeunesse. Son limogeage est une trahison de plus, une preuve que le PASTEF, une fois au pouvoir, a oublié ses promesses.

Le PASTEF se voulait un parti différent, ouvert, démocratique. Pourtant, depuis son arrivée au pouvoir, il reproduit les mêmes schémas que ceux qu’il dénonçait : répression des voix dissidentes, culte du chef, mépris des militants. En limogeant Salimata Dieng, le pouvoir envoie un signal clair : ici, on ne discute pas, on obéit. Une attitude qui rappelle étrangement les pires heures du régime précédent.

Au lieu d’étouffer la contestation, ce limogeage ne fera que l’amplifier. Déjà, les réactions se multiplient au sein de la JPS et parmi les sympathisants du parti. La colère gronde, et le pouvoir, en agissant ainsi, ne fait que creuser le fossé entre lui et sa base. Salimata Dieng, en quittant ses fonctions, devient une martyre, un symbole de la résistance interne. Son limogeage pourrait bien être le déclencheur d’une crise bien plus profonde.

En Guinée, les opposants à la junte sont enlevés, torturés, réduits au silence. Au Burkina Faso, la junte d’Ibrahim Traoré a muselé toute voix dissidente, transformant le pays en une dictature où la peur règne. En Côte d’Ivoire, l’opposition est systématiquement réprimée, ses manifestations interdites, ses leaders emprisonnés. Mais le Sénégal se voulait différent. Il se voulait un exemple de démocratie, de respect des droits et des libertés. Avec ce limogeage, il s’aligne sur les pires pratiques du continent.

Pourtant, il existe des contre-exemples. Dans d’autres pays, les partis au pouvoir savent écouter leurs militants, intégrer leurs critiques, et en faire une force. Mais au Sénégal, on préfère la répression à la concertation. On préfère sacrifier une militante plutôt que de reconnaître ses torts.

Le limogeage de Salimata Dieng est bien plus qu’une simple sanction disciplinaire. C’est le symptôme d’un parti qui a perdu son âme, d’un pouvoir qui a peur de sa propre jeunesse, et d’un système qui préfère la répression au dialogue. En punissant une militante pour un post critique, alors que d’autres s’expriment librement sans conséquence, le pouvoir montre son vrai visage : celui d’un régime autoritaire, intolérant à la critique, et prêt à tout pour museler les voix dissidentes.

Salimata Dieng n’a pas tort. Le PASTEF est en train de trahir ses idéaux. Il est en train de devenir ce qu’il combattait. Et si rien ne change, ce ne sont pas les militants qui paieront le prix fort, mais le parti tout entier. Car un parti qui tourne le dos à sa jeunesse est un parti condamné à disparaître.

La question reste entière : jusqu’où ira cette dérive ? Combien de militants devront encore être sacrifiés avant que le pouvoir ne comprenne que la vraie force d’un parti réside dans sa base, et non dans ses dirigeants ?

La jeunesse du PASTEF mérite mieux que des miettes. Elle mérite le respect, l’écoute, et une place à la table des décisions. Sinon, à quoi bon avoir lutté ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Khalifa Ba.
Mis en ligne : 20/10/2025

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