Le FMI au Sénégal : Un « sauveur » qui asphyxie - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Economie | Par Maimouna | Publié le 18/10/2025 12:10:00

Le FMI au Sénégal : Un « sauveur » qui asphyxie

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Les négociations entre le Sénégal et le Fonds monétaire international (FMI), présentées comme une « nouvelle page » de confiance et de transparence, ne sont en réalité qu’un nouveau chapitre d’une longue histoire de dépendance et de soumission économique. Le communiqué officiel du ministère des Finances, saluant « la posture d’ouverture » de Kristalina Georgieva et l’engagement à « ouvrir une nouvelle page », masque une réalité bien plus sombre : celle d’un pays contraint de se plier aux diktats d’une institution dont les programmes ont, partout en Afrique, creusé les inégalités, affaibli les services publics et asphyxié les économies locales.

Derrière les mots rassurants, c’est la souveraineté économique du Sénégal qui est en jeu, et ce sont les populations les plus vulnérables qui paieront, une fois de plus, le prix fort.

La révélation, en 2024, d’une dette cachée de 7 milliards de dollars, accumulée sous l’administration précédente, a sonné comme un électrochoc. Aujourd’hui, le Sénégal se retrouve dos au mur : un déficit budgétaire de 14 %, une dette publique frôlant les 120 % du PIB, et une notation financière dégradée à deux reprises par Moody’s en 2025, plongeant le pays dans une crise de confiance sans précédent. Le FMI, après avoir suspendu ses décaissements, joue désormais les sauveurs en conditionnant son aide à des réformes structurelles qui, dans d’autres pays africains, ont systématiquement favorisé les élites au détriment des populations. Le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, arrivé au pouvoir avec la promesse de « souverainiser » l’économie, se retrouve pris au piège : soit il accepte les conditions draconiennes du FMI, soit il risque l’asphyxie financière et l’isolement des marchés internationaux.

Les discussions à Washington ne sont pas un dialogue entre égaux, mais une négociation sous contrainte. Le FMI, en échange de son soutien, exigera inévitablement des mesures d’austérité, des coupes budgétaires dans les secteurs sociaux, et une libéralisation accrue de l’économie des recettes qui, ailleurs en Afrique, ont conduit à l’explosion de la pauvreté, à la privatisation des services essentiels, et à l’aggravation des inégalités.

Les exemples sont légion : au Nigeria, la suppression des subventions sur le carburant, encouragée par le FMI, a provoqué une flambée des prix et des émeutes populaires ; en Côte d’Ivoire, les programmes d’ajustement structurel ont affaibli les systèmes de santé et d’éducation, plongeant des millions de personnes dans la précarité. Pourtant, le ministère des Finances sénégalais salue « les messages constructifs » du FMI, comme si la main tendue de Georgieva n’était pas celle qui, hier encore, étranglait l’économie du pays.

Les « progrès » salués par le FMI transparence, assainissement budgétaire sont en réalité des concessions douloureuses, imposées à un État déjà exsangue. La « confiance » et la « stabilité macroéconomique » invoquées dans les communiqués officiels ne profitent qu’aux investisseurs internationaux et aux créanciers, jamais aux citoyens. Pire, elles légitiment un système où les erreurs des dirigeants passés sont payées par les générations futures, via des plans d’austérité qui sacrifieront l’emploi, les salaires, et les services publics.

Les programmes du FMI, sous couvert de « stabilité », imposent des coupes claires dans les budgets sociaux, réduisent les subventions aux produits de première nécessité, et précarisent les travailleurs. En Afrique subsaharienne, ces politiques ont systématiquement conduit à une baisse du pouvoir d’achat, à l’explosion du chômage, et à l’effondrement des systèmes de protection sociale. Au Sénégal, où 16 % de la population souffre d’insécurité alimentaire, ces mesures aggraveront une crise humanitaire déjà aiguë.

Le FMI ne propose pas une solution, mais un cercle vicieux : plus le Sénégal s’endette pour rembourser, plus il doit se soumettre à des conditions toujours plus strictes. La « nouvelle page » promise n’est qu’une illusion : le pays restera sous perfusion, dépendant des bons vouloirs de Washington et des marchés financiers, sans jamais pouvoir investir dans son développement autonome.

Les réformes structurelles profitent toujours aux mêmes : aux multinationales, aux investisseurs étrangers, et à une classe politique locale complice. Les « réformes » exigées par le FMI privatisations, flexibilité du travail, réduction des dépenses publiques sont conçues pour faciliter l’extraction des richesses par les élites, jamais pour les redistribuer.

Plusieurs pays, en Amérique latine ou en Asie, ont rompu avec le FMI et mis en place des politiques souveraines, centrées sur la justice fiscale, la relance des industries locales, et la protection sociale. Le Sénégal, avec ses ressources naturelles et son potentiel agricole, pourrait faire de même, à condition de refuser le chantage à l’endettement et de taxer enfin les superprofits et les fortunes locales.

La relation toxique entre le FMI et l’Afrique n’est pas nouvelle. Du Kenya à la Zambie, en passant par le Mali, les programmes du Fonds ont laissé derrière eux des économies exsangues, des États affaiblis, et des populations appauvries. Partout, le même scénario se répète : le FMI arrive en « sauveur », impose ses conditions, et repart en laissant des sociétés fracturées et des économies dépendantes. Le Sénégal, avec sa dette abyssale et ses ressources naturelles convoitées, est la prochaine cible.

Il faut dire stop. Le peuple sénégalais ne doit pas payer pour les erreurs de ses dirigeants, ni pour les profits du FMI. Au lieu de négocier dans l’ombre des bureaux de Washington, le gouvernement devrait :

Exiger un audit citoyen de la dette, pour identifier et annuler les dettes illégitimes.

Refuser les conditionnalités du FMI, et privilégier des partenariats Sud-Sud, fondés sur la coopération et non sur l’exploitation.

Investir massivement dans les services publics, l’agriculture paysanne, et les industries locales, plutôt que de sacrifier l’avenir sur l’autel de la « stabilité macroéconomique ».

Mobiliser la société civile pour construire une alternative économique souveraine, centrée sur les besoins des populations.

Les négociations en cours ne sont pas une opportunité, mais un piège. Le Sénégal mérite un vrai partenariat pas une tutelle déguisée. À nous, citoyens, intellectuels, syndicats et mouvements sociaux, de faire entendre cette voix. La dignité ne se négocie pas.

Le moment est venu de suivre de près ces négociations et de les combattre.

Article opinion écrit par le créatrice de contenu : Khadim Fall.
Mis en ligne : 18/10/2025

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