Bourgi, le « sage » autoproclamé : Entre éloges calculés et critiques empoisonnées - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 26/10/2025 12:10:00

Bourgi, le « sage » autoproclamé : Entre éloges calculés et critiques empoisonnées

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Dans une récente interview accordée à la chaîne YouTube « H5 Motivation », Robert Bourgi, figure emblématique de la Françafrique, a une nouvelle fois livré ses analyses sur la scène politique sénégalaise, notamment sur le duo au pouvoir, Ousmane Sonko et Diomaye Faye. Si ses déclarations peuvent sembler anodines, elles révèlent en réalité une stratégie bien rodée : celle d’un acteur historique des réseaux franco-africains qui tente, une fois de plus, de manipuler l’opinion et d’influencer les dynamiques politiques au profit des intérêts français.

En louant le charisme de Sonko tout en critiquant ses « propos excessifs » envers la France, Bourgi joue un double jeu dangereux, visant à affaiblir la souveraineté sénégalaise et à diviser le pouvoir en place.

Robert Bourgi n’est pas un simple observateur. Né en 1945 à Dakar de parents libanais, il a été formé à l’école des réseaux franco-africains, héritier direct de Jacques Foccart, l’architecte de la Françafrique sous de Gaulle. Pendant près de quarante ans, Bourgi a été un acteur clé des relations occultes entre la France et ses anciennes colonies, facilitant les échanges d’influence, les financements troubles et les alliances politiques entre Paris et les capitales africaines. Il a conseillé des présidents français (Chirac, Sarkozy) et africains (Omar Bongo, Abdoulaye Wade, Macky Sall), et a été au cœur de scandales de corruption et de financements occultes, comme il l’a lui-même révélé dans ses mémoires, « Ils savent que je sais tout ».

Son rôle historique est celui d’un « facilitateur » : il a permis à la France de maintenir son emprise économique, politique et militaire sur l’Afrique francophone, en échange de faveurs et de protections pour les élites locales. Aujourd’hui, ses déclarations sur Sonko et Faye s’inscrivent dans cette continuité : il cherche à préserver un système qui, malgré les apparences, reste vivace.

Bourgi affirme admirer Ousmane Sonko, saluant son charisme, son intelligence et son patriotisme. Pourtant, ces compliments ne sont pas désintéressés. En reconnaissant les qualités de Sonko, Bourgi tente de se positionner comme un acteur « raisonnable » et « modéré », capable de dialoguer avec tous les bords politiques. Mais cette admiration est immédiatement tempérée par des critiques ciblées : il reproche à Sonko son « verbe violent » et ses « propos excessifs » envers la France. Or, ces reproches ne sont pas anodins : ils visent à délégitimer le discours souverainiste de Sonko, qui appelle à une rupture avec les relations néocoloniales entre Paris et Dakar.

Bourgi ne s’arrête pas là. Il souligne que Diomaye Faye, contrairement à Sonko, est « très apprécié » à l’international, notamment par Emmanuel Macron. Cette distinction est révélatrice : en opposant les deux hommes, Bourgi cherche à semer la discorde au sein du pouvoir sénégalais. Il suggère que Faye, plus « diplomate » et « apprécié », serait un partenaire plus fiable pour la France que Sonko, dont la rhétorique anti-impérialiste dérange. Cette tactique n’est pas nouvelle : diviser pour mieux régner a toujours été une méthode privilégiée de la Françafrique.

Enfin, Bourgi justifie ses critiques par la nécessité de préserver les relations entre le Sénégal et la France. Pourtant, ces relations ont souvent été synonymes d’exploitation économique, de dépendance politique et de présence militaire intrusive. Le retrait des troupes françaises du Sénégal, acté en 2025, est une victoire pour les souverainistes, mais Bourgi semble vouloir minimiser cette avancée en insistant sur l’importance de maintenir des liens étroits avec Paris.

Bourgi incarne tout ce que la Françafrique a de plus controversé : corruption, ingérence, et soutien à des régimes autoritaires. Ses révélations sur les valises de cash échangées entre Paris et les capitales africaines, ou ses aveux sur les pressions exercées sur les dirigeants africains, montrent à quel point il a été un rouage essentiel d’un système néocolonial.

En critiquant les « propos excessifs » de Sonko, Bourgi feint de défendre la modération et le dialogue. Pourtant, il a lui-même contribué à un système où la violence d’État, les coups d’État et les manipulations électorales étaient monnaie courante. Son appel à la retenue n’est qu’un prétexte pour protéger les intérêts français, menacés par le discours panafricain et anti-impérialiste de Sonko.

En opposant Sonko et Faye, Bourgi joue un jeu dangereux. Il sait que toute division au sommet de l’État sénégalais affaiblirait la capacité du pays à résister aux pressions extérieures. Or, le Sénégal a plus que jamais besoin d’unité pour mener à bien ses réformes souverainistes, notamment la sortie du FCFA et la fin de la présence militaire française.

Les déclarations de Robert Bourgi ne sont pas le fruit du hasard. Elles s’inscrivent dans une stratégie ancienne, celle de la Françafrique, qui cherche à tout prix à maintenir son emprise sur l’Afrique. En louant Sonko tout en critiquant ses positions, en opposant Faye et Sonko, et en défendant les intérêts français sous couvert de modération, Bourgi joue un rôle de déstabilisateur.

Le Sénégal, comme d’autres pays africains, aspire à une véritable souveraineté. Pour y parvenir, il doit se méfier des conseils de ceux qui, comme Bourgi, ont bâti leur carrière sur l’exploitation et la dépendance. La Françafrique n’est pas morte : elle se recycle, et ses acteurs, même vieillissants, restent dangereux. Il appartient aux Sénégalais de rester vigilants et de refuser toute ingérence, qu’elle soit directe ou subtile.

Comment le Sénégal peut-il concrètement se prémunir contre les tentatives d’ingérence et de division orchestrées par des acteurs comme Robert Bourgi, tout en consolidant sa souveraineté politique et économique ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ahmet Ba.
Mis en ligne : 26/10/2025

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