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Le gouvernement sénégalais, dirigé par Diomaye Faye, a récemment affirmé sa volonté de rompre avec l’ancien programme du FMI, hérité de l’ère Macky Sall et suspendu après le scandale de la « dette cachée ». Pourtant, en accueillant cette semaine une mission du FMI pour négocier un « nouveau programme », Dakar semble reproduire les mêmes schémas du passé. Si le refus de reprendre l’ancien accord peut paraître symbolique, la volonté de s’engager dans de nouvelles négociations avec l’institution de Bretton Woods interroge : et si cette posture n’était qu’une illusion de rupture, masquant une continuité décevante et un manque de vision alternative ?
Depuis des décennies, le FMI est critiqué pour ses programmes d’ajustement structurel, accusés d’aggraver la pauvreté, de limiter la souveraineté économique des États africains et de perpétuer une dépendance vis-à-vis des puissances occidentales. Au Sénégal, l’ancien programme, négocié sous Macky Sall, a été suspendu en raison de l’affaire de la « dette cachée », révélatrice d’un manque de transparence et d’une gestion hasardeuse des finances publiques. Le gouvernement de Diomaye Faye, élu sur des promesses de rupture et de souveraineté, avait la possibilité de marquer un tournant historique. Pourtant, en choisissant de négocier un nouveau programme avec le FMI, il semble préférer la facilité d’un partenariat critiqué à l’audace d’une voie autonome.
Le chef de la mission du FMI au Sénégal, Edward Gemayel, a confirmé que les autorités sénégalaises ne souhaitaient pas reprendre l’ancien programme, mais bien en négocier un nouveau. Si ce refus peut être interprété comme une volonté de tourner la page, il cache mal une réalité plus troublante : le gouvernement actuel, comme ses prédécesseurs, reste prisonnier d’un système où le FMI dicte les règles du jeu. En effet, les « réformes » et « politiques économiques » évoquées par Gemayel sont rarement neutres. Elles s’accompagnent souvent de conditionnalités strictes, limitant la marge de manœuvre des États en matière de dépenses sociales, de fiscalité ou de politique monétaire.
Pire, cette posture révèle une absence de vision alternative. Plutôt que d’explorer des solutions régionales (comme une coopération renforcée au sein de l’UEMOA ou de la CEDEAO) ou de repenser en profondeur la gestion de la dette, le gouvernement sénégalais choisit de s’inscrire dans la continuité d’un modèle critiqué. Les négociations avec le FMI, présentées comme une nécessité, pourraient bien être le signe d’un manque de courage politique pour rompre avec les institutions financières internationales.
Les programmes du FMI sont souvent perçus comme des outils de soumission économique. En Afrique, ils ont historiquement conduit à des politiques d’austérité, réduisant les dépenses publiques dans des secteurs essentiels comme la santé ou l’éducation, et aggravant les inégalités. Le Sénégal, en s’engageant dans un nouveau programme, risque de reproduire ces erreurs, au détriment de sa population et de son développement à long terme.
Edward Gemayel affirme que les autorités sénégalaises et le FMI sont « parfaitement en phase ». Cette déclaration en dit long : malgré les apparences, c’est bien le FMI qui fixe le cadre des discussions. Les « réformes » à mettre en œuvre sont rarement le fruit d’un débat démocratique, mais bien d’un agenda imposé de l’extérieur. Le gouvernement de Diomaye Faye, en acceptant ce cadre, renonce à une partie de sa souveraineté.
L’ancien programme, suspendu pour cause de « dette cachée », était déjà un échec. Pourquoi un nouveau programme serait-il différent ? Les critiques contre le FMI sont unanimes : ses interventions en Afrique ont souvent aggravé la pauvreté et la dépendance, plutôt que de favoriser un développement durable. En s’engageant dans cette voie, le Sénégal risque de répéter les mêmes erreurs, sans garantie de résultats meilleurs.
Certains pays africains, comme l’Éthiopie ou la Tanzanie, ont tenté de résister aux pressions du FMI en explorant des voies plus autonomes. Le Sénégal, avec son poids économique et politique en Afrique de l’Ouest, aurait pu jouer un rôle pionnier dans la recherche de solutions régionales ou nationales. Pourtant, il préfère s’en remettre à une institution dont les recettes sont depuis longtemps contestées.
L’histoire récente montre que les pays qui ont tenté de s’affranchir des conditionnalités du FMI ont parfois obtenu de meilleurs résultats. En Éthiopie, par exemple, le refus de certains programmes a permis de préserver des marges de manœuvre budgétaires essentielles pour des investissements publics stratégiques. À l’inverse, des pays comme le Kenya ou la Zambie, fortement dépendants du FMI, peinent à sortir d’un cycle de dette et d’austérité.
Au Sénégal, le gouvernement de Diomaye Faye avait l’opportunité de s’inspirer de ces exemples pour construire une politique économique plus autonome. En choisissant de négocier avec le FMI, il renonce à cette possibilité, et perpétue une relation de dépendance qui a rarement profité aux populations africaines.
Le refus de reprendre l’ancien programme du FMI pouvait laisser espérer une véritable rupture. Pourtant, la volonté de négocier un nouveau programme révèle une continuité décevante, et un manque de courage pour explorer des alternatives. Le gouvernement de Diomaye Faye, en s’engageant dans cette voie, trahit ses promesses de souveraineté économique et perpétue un système qui a rarement servi les intérêts du Sénégal.
Plutôt que de s’en remettre au FMI, le Sénégal gagnerait à repenser sa politique économique en s’appuyant sur des coopérations régionales, une gestion plus transparente de la dette, et des réformes adaptées à ses réalités sociales et économiques. Sans cela, les négociations en cours ne seront qu’un leurre, masquant une dépendance toujours plus grande et un renoncement à l’autonomie tant promise.
Et si le Sénégal osait enfin dire non au FMI ? La question reste posée.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Dethié Ndong.
Mis en ligne : 26/10/2025
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