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Ce mardi 21 octobre 2025, Nicolas Sarkozy est entré à la prison de la Santé, devenant le premier ancien président de la Ve République à purger une peine de prison ferme. Condamné fin septembre à cinq ans d’emprisonnement pour « association de malfaiteurs » dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007, il incarne désormais la chute d’un système où les puissants semblaient intouchables.
Si son incarcération marque une étape historique, elle pose aussi une question lancinante : pourquoi a-t-il fallu tant d’années pour en arriver là ? Et combien d’autres, dans son sillage, ont échappé à la justice ? Cet événement révèle les failles d’une République où l’impunité des élites politiques reste une réalité tenace.
L’affaire du financement libyen est d’une gravité exceptionnelle. Le tribunal a retenu que Sarkozy, alors ministre puis candidat, a laissé ses proches collaborateurs solliciter des fonds auprès du régime de Mouammar Kadhafi, en échange de promesses d’intervention en faveur d’un haut dignitaire libyen condamné en France. Les juges ont souligné « des faits d’une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens dans ceux qui les représentent ». Pourtant, malgré des révélations remontant à 2012 et des procédures judiciaires interminables, la condamnation n’est intervenue qu’en 2025, soit près de vingt ans après les faits. Un délai qui interroge sur l’efficacité et l’indépendance de la justice face aux puissants.
Sarkozy n’est pas un cas isolé. Depuis Chirac jusqu’à Fillon, en passant par Cahuzac ou Pasqua, les condamnations d’hommes politiques se multiplient, mais les peines fermes restent rares, et les procédures s’étirent sur des décennies. La Ve République, conçue pour protéger le chef de l’État, a souvent servi de bouclier à ceux qui en ont abusé. La lenteur de la justice française trois fois plus longue qu’en Allemagne pour les affaires civiles, et souvent bien plus pour les dossiers politiques aggrave ce sentiment d’impunité. Comment croire en l’égalité devant la loi quand les puissants bénéficient de recours infinis et de délais déraisonnables ?
L’incarcération de Sarkozy est un test pour nos institutions. D’un côté, elle prouve que personne n’est au-dessus des lois ; de l’autre, elle rappelle que la justice peine à traiter les affaires politiques avec la même célérité que les dossiers ordinaires. Les associations anticorruption saluent une « condamnation historique », mais rappellent que « l’absence dans les débats de la question de la population libyenne » montre que la corruption a des victimes invisibles. Pire : plusieurs de ses collaborateurs, comme Claude Guéant ou Brice Hortefeux, ont été relaxés ou bénéficient de peines bien plus légères, malgré leur rôle central dans le système de financement occulte.
La lenteur judiciaire est ici un facteur clé. En France, le délai moyen pour juger une affaire criminelle dépasse trois ans, et les recours peuvent doubler cette durée. Dans le cas de Sarkozy, la procédure a duré plus de dix ans, permettant à l’ancien président de rester libre pendant des années, de continuer à influencer la vie politique, et même de préparer sa défense médiatique. Cette inertie n’est pas neutre : elle favorise l’oubli, l’usure des preuves, et finalement l’impunité partielle.
Un système qui protège les siens : Depuis l’affaire Urba sous Mitterrand jusqu’aux emplois fictifs de Chirac, en passant par les écoutes de l’Élysée ou les fraudes de Cahuzac, les scandales se répètent, mais les sanctions restent souvent symboliques. Sarkozy est le premier à aller en prison, mais son cas reste une exception.
La justice, complice malgré elle : Les délais excessifs, les relaxes partielles, et les recours systématiques affaiblissent la crédibilité des verdicts. La France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour la lenteur de sa justice.
L’isolement de Sarkozy : un privilège de plus ? Placé à l’isolement « pour raisons de sécurité », il bénéficie d’un traitement que peu de détenus ordinaires connaissent. Même en prison, la caste politique conserve ses privilèges.
Ailleurs en Europe, les anciens dirigeants condamnés purgent leurs peines sans attendre. En Italie, Silvio Berlusconi a connu de multiples condamnations ; en Allemagne, les procédures sont trois fois plus rapides. Aux États-Unis, Donald Trump fait face à des poursuites rapides et médiatisées. En France, la justice semble toujours hésiter à frapper fort, comme si la République avait peur de ses propres règles.
L’incarcération de Sarkozy est un symbole fort, mais elle ne doit pas masquer les dysfonctionnements persistants. Tant que la justice restera lente, inégale et clémente envers les puissants, la défiance des citoyens grandira. La Ve République est à l’épreuve : saura-t-elle enfin traiter ses élites comme n’importe quel justiciable ? Ou cette condamnation restera-t-elle une exception, vite oubliée dans le cycle des scandales et des impunités ?
La réponse dépendra de la capacité des institutions à se réformer, à accélérer les procédures, et à sanctionner sans faiblesse ceux qui trahissent la confiance publique. Pour l’heure, Sarkozy en prison est moins une victoire de la justice qu’un aveu de ses faiblesses. La République mérite mieux.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Aliou Ndiaye.
Mis en ligne : 27/10/2025
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