FMI à Dakar : Une mission de la dernière chance ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Economie | Par Maimouna | Publié le 29/10/2025 12:10:00

FMI à Dakar : Une mission de la dernière chance ?

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L’arrivée d’une équipe du Fonds monétaire international (FMI) à Dakar le 22 octobre 2025, pour négocier un nouveau programme d’appui financier, s’inscrit dans un contexte plus que tendu. Le Sénégal, désormais classé comme le pays le plus endetté d’Afrique avec une dette publique réévaluée à 132 % du PIB, se retrouve sous le feu des projecteurs internationaux. Pourtant, malgré les apparences, tout porte à croire que le FMI repartira bredouille.

Le gouvernement sénégalais, fort des leçons du passé et des erreurs avérées de l’institution, semble avoir compris le jeu et n’entend plus se soumettre aux diktats d’un partenaire dont les recettes ont trop souvent échoué sur le continent.

La situation économique du Sénégal est alarmante : une dette publique explosée, une dégradation de la note souveraine par Moody’s, et une crise de confiance des marchés financiers. Pourtant, derrière ces chiffres, se cache une réalité plus complexe. Le FMI lui-même a reconnu des « déclarations erronées significatives » sur la dette et le déficit budgétaire entre 2019 et 2023, imputables à l’ancienne administration. Cette révélation a non seulement suspendu les décaissements du Fonds, mais a aussi jeté un discrédit durable sur ses méthodes de suivi et d’évaluation. Comment, dans ces conditions, le FMI peut-il prétendre imposer des réformes alors qu’il a lui-même été incapable de détecter ces irrégularités pendant des années ? La crédibilité de l’institution est sérieusement entamée, et le gouvernement actuel, dirigé par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, n’a aucune raison de lui accorder une confiance aveugle.

Le FMI propose, comme à son habitude, un menu classique : suppression des exemptions fiscales, augmentation des taxes, réduction des subventions énergétiques. Pourtant, ces mesures, appliquées ailleurs en Afrique, ont rarement produit les effets escomptés. Au Kenya, par exemple, les projections du FMI se sont révélées « tout simplement impossibles », avec des erreurs flagrantes dans les calculs d’inflation et de dette. Au Sénégal, les réformes fiscales envisagées (taxation des jeux, du mobile money) risquent d’aggraver la pression sur les ménages et les entreprises, sans garantir une réduction durable de la dette. Pire, elles pourraient étouffer la croissance et aggraver les inégalités, comme l’ont montré les échecs répétés des Programmes d’ajustement structurel (PAS) dans les années 1990 et 2000.

Contrairement aux attentes, le Sénégal ne semble pas prêt à plier. Le Premier ministre Ousmane Sonko a clairement indiqué que le pays entendait « résister aux 250 milliards de FCFA que nous donne le Fonds monétaire chaque année » et privilégier des ressources internes pour financer son redressement. Le gouvernement mise sur un plan de redressement économique et social financé à 90 % par des ressources domestiques, incluant la fiscalité numérique, verte et bleue, ainsi que la valorisation du foncier. Une stratégie audacieuse, mais qui témoigne d’une volonté de souveraineté financière et d’une défiance envers les conditionnalités du FMI.

L’histoire récente montre que les programmes du FMI en Afrique ont souvent plongé les pays dans un cercle vicieux de dépendance et de surendettement. Le Sénégal, conscient de ce piège, semble déterminé à éviter ce scénario. La suspension du programme avec le FMI, la recherche de financements alternatifs (emprunt diaspora, recyclage d’actifs), et la volonté de transparence affichée par les nouvelles autorités, sont autant de signes que Dakar ne compte plus sur Washington pour résoudre ses problèmes. Le FMI, de son côté, se retrouve dans une position inconfortable : soit il cède aux exigences sénégalaises et perd le contrôle sur les réformes, soit il maintient ses exigences et risque de voir le Sénégal se passer définitivement de son aide.

Le FMI arrive à Dakar avec des propositions usées et une crédibilité entamée. Face à un gouvernement déterminé à reprendre le contrôle de son destin économique, l’institution de Bretton Woods n’a plus les cartes en main. Les négociations en cours ne sont qu’une formalité : le Sénégal a déjà tourné la page. Le FMI repartira probablement sans accord, et c’est tant mieux. Le pays a tout à gagner à tracer sa propre voie, loin des dogmes d’une institution dont les échecs en Afrique sont aussi nombreux que ses promesses non tenues.

Le Sénégal pourrait s’inspirer d’autres modèles, comme celui de la Côte d’Ivoire, où le FMI a fait preuve de souplesse malgré un contexte politique tendu, ou explorer des partenariats Sud-Sud pour diversifier ses sources de financement. Une chose est sûre : l’ère où le FMI dictait sa loi aux pays africains est révolue. Le Sénégal l’a compris, et c’est une bonne nouvelle pour l’Afrique toute entière.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdoulaye Thiaw.
Mis en ligne : 29/10/2025

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