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Le désert de Lompoul, autrefois joyau touristique et écologique du Sénégal, est aujourd’hui le théâtre d’un drame environnemental et social aux proportions alarmantes. L’exploitation minière intensive menée par ERAMET Grande Côte (GCO), filiale du groupe français ERAMET, a transformé ce site unique en une zone de désolation, au mépris des droits des populations locales et de l’équilibre naturel. Si les promesses de développement et d’emplois ont été brandies comme des étendards, la réalité est bien différente : destruction des écosystèmes, spoliation des terres, et impunité face à des profits colossaux. Une situation qui interroge profondément le rôle de l’État sénégalais, actionnaire minoritaire mais complice silencieux de ce pillage organisé.
Depuis 2014, GCO exploite les sables minéralisés du désert de Lompoul, utilisant la « plus grosse drague minière au monde » pour extraire zircon, ilménite et rutile, des minerais très prisés par les industries du bâtiment, de la métallurgie et même du nucléaire. La concession s’étend sur 445 000 hectares, soit une bande de 107 km le long du littoral sénégalais. Pourtant, derrière les chiffres impressionnants de production se cache une réalité bien plus sombre : des dunes rasées, des terres agricoles stérilisées, des nappes phréatiques asséchées, et des communautés locales dépossédées de leurs moyens de subsistance.
Avant l’arrivée de GCO, la région des Niayes, dont fait partie Lompoul, était l’une des zones les plus fertiles du pays, assurant près de 80 % de la production nationale de légumes. Aujourd’hui, les machines géantes avalent les dunes 24 heures sur 24, laissant derrière elles un paysage lunaire et des villages contraints de fuir. Les sites touristiques, autrefois florissants, ferment les uns après les autres, incapables de résister à l’avancée de la mine. L’écolodge de Lompoul, par exemple, se retrouve cerné par les installations minières, et six des sept sites d’hébergement ont déjà dû accepter un dédommagement ou une relocalisation.
Pire encore, des lieux chargés d’histoire et de mémoire, comme le cimetière de Foot, ont été détruits ou menacés, sans que les populations ne reçoivent de compensations dignes de ce nom. Les promesses d’ERAMET, emplois, développement local, réhabilitation des sites, sonnent creuses face à la destruction systématique d’un patrimoine naturel et culturel inestimable.
ERAMET met en avant ses contributions économiques : 122 milliards de francs CFA injectés dans l’économie sénégalaise en 2024, 2 500 emplois directs (dont 98 % occupés par des Sénégalais), et des projets sociaux comme la construction de postes de santé ou le financement de formations. Pourtant, ces chiffres masquent une réalité bien moins reluisante. Les emplois créés sont souvent précaires et temporaires, liés à la durée de vie de la mine. Une fois les ressources épuisées, que restera-t-il ? Les retombées économiques locales sont marginales. Les programmes de réhabilitation annoncés peinent à se concrétiser, et les terres « réhabilitées » sont souvent stériles, impropres à l’agriculture ou au tourisme.
L’État sénégalais détient 10 % du capital de GCO, contre 27 % pour l’État français. Cette répartition déséquilibrée des profits soulève une question fondamentale : à qui profite réellement cette exploitation ? Les autorités ont accordé en 2004 une concession de 25 ans à GCO, sans évaluation environnementale rigoureuse ni consultation réelle des populations. Malgré les protestations croissantes, les appels au moratoire, et les preuves des dégâts écologiques et sociaux, l’État tarde à agir.
Le président Bassirou Diomaye Faye a certes évoqué la nécessité de « transparence dans la gouvernance des ressources naturelles », mais les mesures concrètes se font attendre. Pire, des ministres ont été accusés de protéger les intérêts de GCO, comme en témoigne la visite du ministre de l’Environnement sur le site minier, présentée comme une opération de communication plutôt qu’une mission de contrôle.
Les études d’impact environnemental présentées par GCO ont été rejetées par des communautés locales, jugées insuffisantes et biaisées. Pourtant, la mine continue d’avancer, protégée par un flou juridique et une absence de sanctions. Les demandes d’audit indépendant, de transparence sur les contrats miniers, et d’indemnisation juste pour les populations déplacées restent lettres mortes.
La destruction irréversible d’un écosystème unique, la violation des droits des populations et un modèle économique prédateur font de l’exploitation minière à Lompoul un exemple de ce que doit éviter tout développement durable. Le désert n’est pas seulement une étendue de sable : il est essentiel à la biodiversité et à l’équilibre climatique local, et sa disparition menace aussi les zones agricoles voisines. Si rien n’est fait, d’autres régions du Sénégal pourraient subir le même sort.
La situation à Lompoul n’est pas isolée. Dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, des communautés se battent contre l’exploitation minière abusive, et dans certains cas, la mobilisation citoyenne et la pression internationale ont permis d’obtenir des moratoires ou des renégociations de contrats. Au Sénégal, la résistance s’organise, avec des pétitions, des marches et des recours juridiques, mais sans un sursaut des autorités, ces efforts risquent de rester vains.
Face à ce scandale, une seule position est tenable : l’arrêt immédiat des activités de GCO à Lompoul, le temps de réaliser un audit environnemental et social indépendant, et de mettre en place un plan de restauration des zones détruites. L’État sénégalais doit geler les permis d’exploitation jusqu’à ce que toutes les conditions de transparence et de respect des droits soient remplies, exiger des compensations justes et immédiates pour les populations affectées, réviser les contrats miniers pour garantir que les ressources naturelles profitent avant tout aux Sénégalais, et investir dans des alternatives durables comme le tourisme écologique ou l’agroécologie.
Le Sénégal mérite mieux qu’un développement basé sur la destruction et l’injustice. Il faut que les responsables politiques assument leurs responsabilités et placent l’intérêt général au-dessus des profits privés. ERAMET ça suffit, il est grand temps de rendre justice à Lompoul et à ses habitants.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Saliou Diouf.
Mis en ligne : 04/11/2025
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