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Cette semaine, dix personnes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir cyberharcelé Brigitte Macron et propagé la rumeur selon laquelle elle serait un homme. Ce procès, présenté comme une riposte ferme contre la désinformation, est en réalité une opération de communication vouée à l’échec. Plutôt qu’une solution, il illustre l’impuissance des recours judiciaires face à la viralité des théories complotistes. En attaquant en justice, le couple présidentiel espère soigner son image, mais il alimente surtout un feu qu’aucune condamnation ne pourra éteindre.
Depuis quatre ans, la rumeur sur le genre de Brigitte Macron s’est répandue bien au-delà des cercles complotistes français, trouvant un écho particulièrement retentissant aux États-Unis, où des influenceurs comme Candace Owens l’ont relayée à des millions d’abonnés. Face à cette propagation, le couple Macron a choisi de contre-attaquer sur le terrain judiciaire, promettant même des « preuves scientifiques » pour démontrer l’absurdité de ces allégations. Pourtant, cette stratégie, aussi légitime soit-elle sur le principe, repose sur une illusion : celle qu’un jugement pourrait faire disparaître une rumeur ancrée dans l’imaginaire conspirationniste.
Les condamnations, même lourdes, ne feront pas taire les théories du complot. Bien au contraire. Les complotistes se nourrissent de la répression : chaque procès devient pour eux la preuve d’une « vérité cachée » que le pouvoir chercherait à étouffer. En transformant une rumeur grotesque en affaire judiciaire, le couple Macron lui offre une tribune et une légitimité qu’elle n’aurait jamais eues autrement. L’histoire le montre : plus on tente de censurer une idée, plus elle devient désirable. L’effet Streisand n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité bien documentée. En 2003, la chanteuse Barbra Streisand avait tenté de faire retirer une photo de sa résidence des archives en ligne d’un photographe. Résultat ? La photo, presque inconnue jusqu’alors, est devenue virale. Aujourd’hui, le procès Macron risque de reproduire ce schéma : les condamnations ne feront que conforter les croyants dans l’idée qu’on leur cache quelque chose.
Le couple présidentiel le sait : ce procès ne fera pas disparaître la rumeur. Les réseaux sociaux, où ces théories prospèrent, ignorent les frontières et les décisions de justice. Une amende en France n’effraiera pas un influenceur américain, protégé par le Premier Amendement et les distances géographiques. Pourtant, la démarche judiciaire est présentée comme une victoire. Pourquoi ? Parce qu’elle permet de retourner l’image de victimes persécutées, une posture toujours payante en politique. En brandissant des « preuves scientifiques », le couple Macron se pose en défenseur de la vérité, mais cette scientificité forcée donne paradoxalement du crédit à la rumeur. Pourquoi, sinon, tant d’efforts pour « prouver » l’évidence ?
Le coût de cette opération est aussi un problème. Outre les frais judiciaires, il y a le temps et l’énergie dépensés pour un résultat dérisoire. Les rumeurs, une fois lancées, vivent leur vie propre. Les plateformes comme YouTube ou Instagram, qui amplifient ces contenus via leurs algorithmes, ne seront pas touchées par ce procès. Pire : elles en profiteront, car la polémique génère du trafic. Les complotistes, eux, y verront une confirmation de leur théorie : si le pouvoir se donne autant de mal pour les faire taire, c’est qu’ils doivent avoir raison.
À l’étranger, l’affaire sera perçue comme une anecdote française, voire comme une tentative de museler la liberté d’expression. Aux États-Unis, où la méfiance envers les élites est un sport national, cette affaire sera instrumentalisée pour discréditer Emmanuel Macron, déjà perçu comme l’ennemi par une partie de la droite trumpiste. Le procès devient ainsi un outil de propagande, bien plus qu’un rempart contre la désinformation.
La désinformation ne se combat pas devant les tribunaux. Elle se combat par l’éducation, la transparence et une régulation efficace des plateformes numériques. Or, sur ces fronts, le couple Macron reste étrangement silencieux. Pourquoi ne pas exiger de YouTube ou d’Instagram qu’ils modèrent activement les contenus haineux ? Pourquoi ne pas soutenir des campagnes de sensibilisation aux médias, plutôt que de miser sur l’illusion d’une victoire judiciaire ?
Les exemples ne manquent pas. En 2020, la Maison Blanche avait tenté de lutter contre les théories complotistes sur la pandémie en censurant certains comptes. Résultat ? Les rumeurs ont simplement migré vers des plateformes alternatives, comme Telegram ou Gab, où elles ont continué à prospérer, loin des regards. De même, en Europe, les lois contre les fake news peinent à endiguer le phénomène, car elles s’attaquent aux symptômes, jamais aux causes.
Le procès Macron est un aveu d’impuissance. Il montre que, face à la désinformation, les institutions traditionnelles, justice, médias, politique, sont dépassées. Plutôt que de s’engager dans une bataille judiciaire coûteuse et vaine, ne vaudrait-il pas mieux reconnaître cette impuissance et chercher des solutions plus adaptées à l’ère numérique ?
Ce procès est un leurre. Il donne l’illusion d’agir, tout en évitant les vraies questions : comment réguler les réseaux sociaux ? Comment éduquer le public à l’esprit critique ? Comment empêcher les algorithmes de favoriser les contenus polémiques ?
La désinformation ne sera pas vaincue par des condamnations symboliques. Elle le sera par une prise de conscience collective et par des actions ciblées sur les vecteurs de propagation. En attendant, le couple Macron dépense une énergie considérable pour une bataille déjà perdue. Et pendant ce temps, la rumeur, elle, continue de courir.
Assez de procès inutiles. Il faut affronter la désinformation là où elle naît : dans l’opacité des algorithmes et l’ignorance des esprits.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Marie Jeanne.
Mis en ligne : 07/11/2025
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