L’État rattrapé par son manque d’anticipation : Pénurie de sable à Dakar - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Environnement | Par Eva | Publié le 20/11/2025 08:11:30

L’État rattrapé par son manque d’anticipation : Pénurie de sable à Dakar

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La 8e édition du Salon International des Mines, tenue début novembre 2025 à Diamniadio, avait pour thème ambitieux : « Les ressources minérales, un levier de souveraineté économique ». Pourtant, dans le même temps, Dakar faisait face à une réalité bien moins glorieuse : la capitale sénégalaise n’a plus de sable. Les carrières sont épuisées, les autorisations d’exploitation se comptent sur les doigts d’une main, et les alternatives peinent à émerger.

Si la situation est aujourd’hui critique, elle n’a rien d’une surprise. Depuis 2001, les études alertaient sur la raréfaction de cette ressource essentielle, mais les autorités ont préféré gérer l’urgence plutôt que d’anticiper. Le constat est accablant : l’État a échoué à planifier, à réguler, et à protéger une ressource vitale pour le développement du pays.

Dès 2001, des rapports mettaient en garde contre l’épuisement des carrières de sable à Dakar et la nécessité de recourir au dragage ou à des solutions durables. Pourtant, aucune mesure structurelle n’a été prise. Les pouvoirs publics ont attendu que la crise éclate pour réagir, se contentant de fermer des carrières irrégulières en avril 2025, sans proposer de véritable alternative. Résultat : cinq autorisations d’exploitation seulement ont été délivrées en mai 2025, pour des durées dérisoires de six mois. Ces rustines administratives ne suffiront pas à combler le déficit, d’autant que la demande explose avec l’urbanisation galopante et les grands chantiers du Plan Sénégal Émergent. La suspension des carrières a plongé le secteur du BTP dans le chaos, avec une flambée des prix et des retards à la clé.

Le problème ne réside pas dans le manque de sable, mais dans l’incapacité des autorités à gérer cette ressource de manière responsable. Les zones littorales protégées, les pratiques spéculatives et l’absence de planification ont transformé une pénurie prévisible en crise majeure. Pourtant, des exemples existent ailleurs dans le monde : certains pays confrontés à une demande croissante ont mis en place une réglementation stricte pour encadrer l’extraction et favoriser le recyclage. Ailleurs, le dragage est organisé de manière durable, avec des normes environnementales précises. Au Sénégal, en revanche, on oscille entre interdits brutaux et autorisations de dernière minute, sans stratégie claire.

Face à l’urgence, l’État mise sur des initiatives locales de recyclage ou sur des expériences ponctuelles de dragage, comme celle menée à Sali. Mais ces mesures restent marginales et insuffisantes. Pire, elles révèlent une dépendance honteuse à l’expertise étrangère, alors que le pays dispose des compétences et des moyens pour innover. La pénurie de sable n’est pas une fatalité : elle est le résultat d’un manque de volonté politique et d’une gouvernance défaillante. Le secteur minier sénégalais souffre d’une faible gouvernabilité, avec des retards chroniques dans la mise en œuvre des réformes et une exclusion des communautés locales des processus de décision.

La crise du sable à Dakar n’est qu’un exemple parmi d’autres de la mauvaise gestion des ressources naturelles au Sénégal. Que ce soit pour les phosphates, l’or ou le pétrole, le pays peine à transformer ses richesses en développement durable. Les revenus du secteur minier restent marginaux, les communautés locales sont souvent lésées, et les retombées économiques ne profitent qu’à une minorité. La pénurie actuelle est donc aussi une métaphore : celle d’un État qui gère ses ressources au jour le jour, sans vision, sans transparence, et sans véritable souci de l’intérêt général.

La souveraineté économique ne se décrète pas dans les salons internationaux. Elle se construit par des politiques publiques ambitieuses, une planification rigoureuse et une gestion responsable des ressources. Pour le sable comme pour les autres richesses du sous-sol, le Sénégal doit enfin passer des discours aux actes :

Elaborer une stratégie nationale d’exploitation et de recyclage du sable, en impliquant tous les acteurs. Mettre fin aux pratiques spéculatives et aux autorisations précaires, en faveur de licences durables et contrôlées. Investir dans des alternatives (recyclage, matériaux de substitution) et former les acteurs locaux. Concilier exploitation et préservation de l’environnement, en s’inspirant des bonnes pratiques internationales.

La pénurie de sable à Dakar est une honte pour un pays qui aspire à la souveraineté. Elle révèle l’amateurisme des pouvoirs publics, leur incapacité à anticiper, et leur tendance à gérer les crises plutôt qu’à les prévenir. Il faut rectifier le tir, mais cela exige une rupture avec les habitudes du passé. Le Sénégal a les moyens de ses ambitions, à condition que ses dirigeants en aient la volonté. Sinon, demain, ce ne sera plus seulement le sable qui manquera, mais la crédibilité même de l’État.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Aminata B.
Mis en ligne : 20/10/2025

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