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Vendredi dernier, lors d’une séance de questions d’actualité à l’Assemblée nationale, le ministre des Finances, Cheikh Diba, et le Premier ministre, Ousmane Sonko, ont tenté de rassurer sur la situation de la dette publique sénégalaise, désormais estimée à 119 % du PIB. Malgré des déclarations optimistes sur les discussions avec le FMI, les marchés financiers ont réagi sans équivoque : les obligations du Sénégal ont chuté pour la deuxième journée consécutive, reflétant une méfiance croissante des investisseurs.
Cette réaction brutale des marchés doit être lue comme un verdict sans appel sur la gestion économique du pays. En dépit des assurances officielles, la réalité est claire : le Sénégal a perdu la confiance des créanciers internationaux, et les risques d’un cercle vicieux de dette et de crise financière se précisent.
La dette publique du Sénégal a connu une progression vertigineuse, passant de 74,4 % du PIB en 2023 à 119 % en 2024, selon les audits récents et les estimations du FMI et de la banque Barclays. Cette explosion s’explique en partie par la découverte d’une « dette cachée » de 7 milliards de dollars, accumulée entre 2019 et 2024, et par une croissance des besoins de financement annuels estimés à 6 000 milliards de FCFA. Le FMI lui-même a souligné que le Sénégal ne peut pas assurer un tel financement année après année sans mettre en péril la viabilité de sa dette. Pourtant, les autorités persistent à minimiser l’urgence, affirmant que la solvabilité du pays n’est pas en cause, tout en reconnaissant des tensions de liquidité critiques.
Les marchés, eux, ne se laissent pas convaincre. Selon Bloomberg, les obligations en dollars arrivant à échéance en 2033 ont reculé à 61,7 centimes par dollar, et celles de 2031 à 64,64 centimes, une chute qui traduit une inquiétude généralisée quant à la capacité du Sénégal à honorer ses engagements. Cette défiance n’est pas isolée : les agences de notation ont dégradé à plusieurs reprises la note souveraine du pays, le classant désormais parmi les émetteurs les plus risqués des marchés émergents.
La chute des obligations sénégalaises n’est pas un simple ajustement technique. Elle signe l’entrée du pays dans une zone de détresse financière, comparable à celle qu’ont connue le Ghana ou la Zambie avant leur défaut de paiement. Plusieurs éléments expliquent cette perte de confiance :
6 000 milliards de FCFA par an, soit près de 20 % du PIB, c’est un fardeau que peu d’économies africaines peuvent supporter sans recourir à des taux d’intérêt prohibitifs. Or, plus les taux montent pour attirer les investisseurs, plus la charge de la dette s’alourdit, aggravant le déficit budgétaire et réduisant les marges de manœuvre.
La dégradation de la note souveraine limite l’accès aux marchés internationaux et renchérit le coût de l’emprunt. Le Sénégal se retrouve ainsi pris dans un cercle vicieux : pour financer sa dette, il doit emprunter à des taux toujours plus élevés, ce qui alimente la spirale de l’endettement. Les exemples du Kenya ou de l’Égypte, où le service de la dette absorbe jusqu’à 60 % des recettes budgétaires, montrent à quel point cette situation peut devenir ingérable.
Malgré les annonces de réformes et d’audits, les marchés attendent des mesures concrètes. Le refus du gouvernement de restructurer la dette, par crainte de perdre sa souveraineté, aggrave la méfiance. Comme l’a souligné le FMI, « on n’a jamais vu une dette cachée de cette importance en Afrique ». Sans transparence et sans stratégie claire, les investisseurs fuient, et les capitaux s’évaporent.
Une fuite des capitaux pourrait entraîner une pression sur le franc CFA, déjà fragilisé par la crise régionale. Une dépréciation aurait des conséquences directes sur le pouvoir d’achat des Sénégalais et sur le coût des importations, dans un contexte où l’inflation reste une menace latente.
Les comparaisons régionales sont éloquentes : Le Ghana et la Zambie, après avoir ignoré les signaux d’alerte, ont dû restructurer leur dette sous la pression des créanciers. Leur expérience montre que plus un pays tarde à agir, plus les solutions deviennent douloureuses.
Le FMI et la Banque mondiale peinent à finaliser leur analyse de viabilité : Tant que cette évaluation n’est pas bouclée, aucun nouveau programme d’aide ne sera débloqué. Or, sans appui extérieur, le Sénégal risque de se retrouver isolé sur les marchés.
Les conséquences pour les citoyens : Une crise de la dette se traduit inévitablement par des coupes dans les dépenses sociales, des hausses d’impôts, et un ralentissement économique. La croissance, bien que portée par le secteur des hydrocarbures, reste fragile et inégalement répartie.
Le Sénégal est aujourd’hui comme un navire qui prend l’eau. Au lieu de colmater les brèches, l’équipage se contente de répéter que tout va bien. Pourtant, les marchés ont déjà tranché : sans mesures fortes pour restaurer la crédibilité transparence, discipline budgétaire, et dialogue avec le FMI le pays risque de sombrer dans une crise financière aux conséquences sociales et économiques désastreuses.
La balle est dans le camp des autorités. Soit elles prennent enfin la mesure de l’urgence et engagent les réformes nécessaires pour rassurer les investisseurs et les partenaires internationaux. Soit elles persistent dans le déni, et le Sénégal paiera le prix fort d’un défaut de paiement ou d’une austérité imposée. Dans les deux cas, ce sont les citoyens qui en feront les frais. Il est encore temps d’éviter le pire, mais chaque jour de retard rend la tâche plus difficile. Les marchés ont parlé. Il est temps d’écouter.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 17/12/2025
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