Tu n’as rien fait de mal : Le dilemme d’une grand-mère face à sa fille - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Confidence | Par Eva | Publié le 20/12/2025 09:12:30

Tu n’as rien fait de mal : Le dilemme d’une grand-mère face à sa fille

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Un témoignage anonyme, publié récemment, interroge : une grand-mère est-elle une « mauvaise mère » parce qu’elle refuse de cautionner, par son aide indéfinie, les choix de vie instables de sa fille ? Cette dernière, enceinte pour la troisième fois et avec trois pères différents, a réagi avec colère à l’annonce que sa mère ne s’occuperait plus systématiquement de ses enfants. L’auteure du témoignage assume ce choix difficile, affirmant que poser des limites n’est pas un acte de cruauté, mais de responsabilité. Dire non, dans ce contexte, est un acte d’amour et de lucidité.

La structure familiale a profondément évolué. Les familles recomposées, monoparentales ou élargies sont désormais la norme, et les grands-parents jouent souvent un rôle clé dans l’équilibre quotidien. Pourtant, selon une étude de la Drees, un quart des enfants en famille monoparentale n’ont aucun contact avec leur père, et ces familles sont deux fois plus exposées à la précarité économique que les foyers biparentaux. Dans ce contexte, les grands-parents deviennent parfois des filets de sécurité, comblant les manques financiers, émotionnels ou logistiques. Mais à quel prix ?

Le code civil français rappelle que « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources ». Cette obligation légale ne s’étend pas aux grands-parents, même si la solidarité familiale est une valeur forte. La question se pose donc : jusqu’où doit aller cette solidarité ? Quand devient-elle un frein à l’autonomie et à la prise de conscience des responsabilités parentales ?

L’auteure du témoignage a, pendant des années, soutenu sa fille en gardant ses petits-enfants, lui permettant ainsi de poursuivre une vie marquée par l’instabilité. Pourtant, en refusant de continuer, elle ne fait que rappeler une évidence : élever un enfant exige stabilité, projet, et moyens. Son refus n’est pas un abandon, mais un appel à la responsabilité. Comme le souligne le Conseil de l’Europe, les parents doivent aujourd’hui faire face à des défis éducatifs bien plus complexes qu’autrefois, et leur rôle ne peut être délégué indéfiniment à la famille élargie.

Les recherches en psychologie montrent que l’absence de limites claires peut nuire à l’autonomie des enfants comme des parents. Une étude sur l’implication parentale dans la réussite scolaire révèle que l’aide la plus efficace est celle qui favorise l’autonomie, et non la dépendance. En assumant tout, la grand-mère risquait de perpétuer un cercle vicieux : sa fille, libérée des conséquences de ses choix, n’avait aucune incitation à changer de trajectoire.

La stabilité affective et matérielle est cruciale pour le développement de l’enfant. En refusant de cautionner une situation instable, la grand-mère protège ses petits-enfants des risques liés à l’insécurité permanente (précarité, changements de repères, etc.).

Assumer le rôle de parent et de grand-parent simultanément épuise physiquement et moralement. La jurisprudence reconnaît d’ailleurs que l’obligation d’entretien des parents a des limites, notamment quand elle met en péril leur propre santé ou équilibre.

Parfois, il faut « toucher le fond » pour se réveiller. En assumant les conséquences de ses actes, la fille pourra peut-être enfin envisager des choix plus constructifs. Comme le note un expert en psychologie clinique, « préserver le lien parental passe aussi par la confrontation à la réalité ».

Une aide inconditionnelle peut générer des ressentiments, notamment entre frères et sœurs ou au moment des successions. Le notariat alerte sur ce risque : l’inégalité dans l’aide apportée peut devenir une source de tensions durables.

Dans les familles où un parent est incarcéré, on parle de « parentalité empêchée ». Le parent extérieur doit souvent assumer seul la charge éducative et affective, mais les experts insistent : le rôle du parent absent ne peut être indéfiniment compensé par la famille élargie, au risque de brouiller les repères de l’enfant. De même, dans les familles monoparentales, l’absence de cadre stable est un facteur aggravant de précarité et de difficultés scolaires. La grand-mère, en posant des limites, agit comme un parent responsable : elle refuse de devenir un substitut, au détriment de tous.

Poser des limites, c’est parfois le seul moyen de permettre à l’autre de se construire. La grand-mère du témoignage n’a pas abandonné sa fille : elle lui offre une chance de devenir adulte, de prendre conscience de ses responsabilités, et d’offrir à ses enfants la stabilité qu’ils méritent. Ce « non » n’est pas un rejet, mais un acte de confiance : confiance dans la capacité de sa fille à se relever, et dans la résilience de ses petits-enfants.

La colère initiale de la fille est compréhensible, mais elle masquerait une vérité plus profonde : il est plus facile de blâmer que de changer. Plus tard, elle comprendra peut-être que ce refus était un cadeau déguisé celui de l’autonomie, de la dignité retrouvée, et d’une relation familiale plus saine.

En société, nous célébrons souvent l’abnégation sans borne. Pourtant, l’amour responsable passe aussi par le courage de dire « jusqu’ici, et pas plus loin ». À toutes les grands-mères, tous les grands-pères qui se reconnaîtront dans ce témoignage, sachez-le : vous n’êtes pas égoïstes. Vous êtes lucides. Et c’est peut-être le plus beau cadeau que vous puissiez faire à vos enfants et petits-enfants.

Et vous, jusqu’où iriez-vous pour aider un proche, au risque de l’empêcher de grandir ? La frontière entre solidarité et dépendance est ténue, mais essentielle. Où la traceriez-vous ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 20/12/2025

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