L’intervention du lieutenant Henry Boumy Ciss lors de la matinale Salam Sénégal le 23 octobre 2024 révèle une réflexion profonde sur un phénomène complexe qui touche durement la jeunesse sénégalaise depuis deux décennies : la migration irrégulière. Le Sénégal, à l’instar de nombreux pays africains, se trouve au cœur de ce défi, malgré des efforts concertés pour endiguer le phénomène. Il est crucial de comprendre que la migration irrégulière ne peut se résumer à des causes économiques, et c’est ce que le lieutenant Ciss souligne avec pertinence.
Contrairement aux idées reçues, la pauvreté n’est pas l’unique moteur de la migration irrégulière. Le lieutenant Henry Boumy Ciss éclaire sur un aspect souvent négligé : l’influence des perceptions sociales et des attentes familiales. En effet, beaucoup de jeunes Sénégalais décident de partir, non pas parce qu’ils n’ont pas d’opportunités économiques dans leur pays, mais parce que l’Europe est perçue comme la terre promise. Cette perception est entretenue par une désinformation systématique, souvent véhiculée par les réseaux sociaux, qui donne une image tronquée de la réalité des migrants en Europe. Le « mirage » d’une vie prospère à l’étranger s’installe, poussant les jeunes, même ceux avec une situation stable, à tenter l’aventure périlleuse de la migration.
Cette dimension sociale de la migration est cruciale à analyser. Elle révèle les pressions auxquelles les jeunes sont soumis, tant par leurs pairs que par leurs familles, qui voient en eux un potentiel porteur de réussite financière. Cette dynamique est d’autant plus pernicieuse que les succès isolés, bien que rares, sont amplifiés, tandis que les récits d’échecs ou de souffrances des migrants échoués sont souvent tués.
Conscient de cette complexité, le Sénégal a déployé une stratégie globale pour lutter contre la migration irrégulière, sous la conduite du Comité interministériel de Lutte contre la migration irrégulière. Cette initiative, qui réunit divers acteurs institutionnels et sociaux, témoigne d’une volonté de s’attaquer à la racine du problème. Le plan d’action sur dix ans, jalonné d’évaluations régulières, illustre un engagement à long terme pour offrir des solutions durables à la jeunesse.
La prévention, un des axes clés de cette stratégie, vise à sensibiliser les jeunes aux dangers de la migration irrégulière. Ce volet met en lumière les réalités souvent ignorées : la traite des êtres humains, les dangers des traversées maritimes, et les conditions de vie difficiles pour les migrants sans-papiers en Europe. Ce travail de sensibilisation est nécessaire pour déconstruire les mythes et redéfinir les ambitions des jeunes Sénégalais, en les recentrant sur des perspectives locales.
L’accent mis sur la répression des réseaux de trafiquants démontre la détermination de l’État à s’attaquer aux véritables responsables de cette tragédie humaine. Cependant, le lieutenant Ciss insiste sur le fait que cette répression ne vise pas les migrants eux-mêmes, mais les criminels qui profitent de leur détresse. L’augmentation des sanctions prévues dans ce cadre est un signal fort adressé aux réseaux mafieux qui exploitent la vulnérabilité des candidats à l’exil.
Un des éléments novateurs de la stratégie de cette année réside dans la valorisation des parcours de réussite de Sénégalais ayant émigré, puis revenu au pays pour y bâtir leur vie. Cette approche est doublement intéressante. D’une part, elle montre que la réussite ne se trouve pas nécessairement à l’étranger, mais qu’elle est possible au Sénégal. D’autre part, elle propose un modèle positif de retour au pays, valorisant les compétences acquises à l’étranger pour le développement national. Il ne s’agit plus de diaboliser la migration, mais de montrer qu’elle n’est pas la seule voie vers une vie prospère.
Ce changement de paradigme est essentiel pour inspirer un nouvel état d’esprit chez les jeunes. En les aidant à voir le potentiel de leur pays, le Sénégal espère non seulement enrayer la vague migratoire, mais aussi capitaliser sur son capital humain pour le développement économique et social.
Le combat contre la migration irrégulière est avant tout un combat pour l’avenir de la jeunesse sénégalaise. Le gouvernement, à travers des initiatives comme celles du Comité interministériel, s’efforce d’offrir des perspectives claires à ses jeunes citoyens. L’objectif est de faire du Sénégal un pays où l’avenir se construit localement, avec des opportunités qui n’ont rien à envier à celles de l’étranger.
Le défi reste cependant immense. Si les efforts de communication et de sensibilisation sont en bonne voie, il est tout aussi crucial d’accompagner ces jeunes avec des opportunités réelles : des emplois, des formations, et un environnement social et économique propice à l’épanouissement. Ce n’est qu’en répondant à ces aspirations que le Sénégal pourra véritablement inverser la tendance migratoire et assurer à sa jeunesse un avenir serein, chez elle.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : A.S
Mis en ligne : 12/11/2024
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