Chaque année, la même scène se répète : le Sénégal importe des centaines de milliers de moutons pour la Tabaski, comme si notre territoire était incapable de produire pour ses propres citoyens. Cette dépendance chronique est le symptôme d’un système agricole abandonné, d’une classe dirigeante résignée à l’échec, et d’un mépris manifeste pour les potentiels immenses que recèle notre pays.
Importer plus de 250 000 moutons en 2025 alors que nous disposons de millions d’hectares de terres arables est tout simplement une gifle à notre dignité nationale.
Ce scandale prend racine dans une chaîne d’inefficacités délibérément entretenues. Les éleveurs locaux, déjà étranglés par les coûts exorbitants de l’aliment de bétail, se heurtent à l’indifférence de l’État face aux conséquences d’une saison des pluies calamiteuse. Le vol de bétail, véritable cancer des campagnes sénégalaises, gangrène le secteur sans réponse ferme. Comment espérer atteindre une autosuffisance quand les éleveurs sont seuls face à leurs bourreaux, et que leurs pertes dépassent les deux milliards de francs CFA par an ? C’est une forme d’abandon institutionnalisé.
À cette tragédie quotidienne s’ajoute une dépossession rampante : l’accaparement des terres fertiles par des agro-industries étrangères prive nos pasteurs de leurs pâturages. À qui profite cette dépossession ? Certainement pas aux citoyens sénégalais. L’État brade les ressources nationales pendant que les éleveurs s’endettent pour nourrir leurs troupeaux. Résultat : conflits entre agriculteurs et éleveurs, baisse des rendements, exode rural… Une bombe sociale que personne ne semble vouloir désamorcer.
Et pourtant, des alternatives émergent dans le tumulte. L’élevage familial, porté par des citadins motivés, des jeunes dynamiques, et des chefs de famille prévoyants, redonne espoir à une filière en souffrance. Ce modèle, basé sur une gestion raisonnée et une réappropriation des circuits courts, prouve chaque année son efficacité. Mais sans volonté politique ferme, sans soutien structurel et technique, cette initiative restera marginale. Or c’est justement ce type de dynamique locale qu’il faut généraliser pour garantir notre souveraineté pastorale.
Le Sénégal n’a pas besoin de devenir un marché captif pour les éleveurs maliens ou mauritaniens. Il a besoin de dirigeants courageux, capables de faire le pari de l’autonomie. Refuser d’investir sérieusement dans l’élevage, c’est condamner notre pays à quémander ce qu’il peut produire lui-même. C’est renoncer à une dignité économique, sociale et culturelle. La Tabaski ne devrait pas être un rendez-vous de l’humiliation nationale, mais l’occasion de célébrer ce que notre terre peut offrir. Reprendre le contrôle de notre élevage, c’est refuser de continuer à subir.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Sylla.
Mis en ligne : 21/05/2025
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