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Samedi dernier, tandis que Papa Ndiago célébrait une victoire éclatante à l’Arène nationale de Pikine, une scène beaucoup moins glorieuse se déroulait à quelques kilomètres de là, devant son domicile. Une opération policière a permis l’arrestation de cinq individus liés à son cortège, trouvés en possession de 500 grammes de chanvre indien.
Ce contraste entre l’exploit sportif et les dérives de son entourage illustre une vérité inquiétante : la lutte sénégalaise, sport roi et fierté nationale, est régulièrement éclaboussée par des scandales qui sapent son image. Au lieu de dénoncer ces comportements, les lutteurs semblent souvent fermer les yeux, laissant prospérer autour d’eux une atmosphère de complaisance et d’impunité.
Leur silence, loin d’être neutre, devient un message adressé à la jeunesse : celui qu’on peut être admiré tout en tolérant l’illégalité. Or, cette attitude est une trahison de la confiance placée en eux.
La lutte traditionnelle n’est pas seulement un sport au Sénégal. Elle est un symbole identitaire, un patrimoine culturel et un facteur d’ascension sociale pour de nombreux jeunes issus de milieux modestes. Chaque combat attire des foules immenses, galvanisées par la promesse de spectacle et de victoire. Mais derrière ce faste, une réalité plus sombre s’installe : les jours de combat deviennent des occasions pour divers excès. Drogue, alcool et petits trafics prospèrent aux abords des domiciles des champions, créant une atmosphère contraire aux valeurs de discipline et de respect que la lutte est censée promouvoir.
Malgré les avertissements répétés des autorités, la situation ne change guère. Les lutteurs, enveloppés de leur aura, semblent se considérer à l’abri des règles communes. Pourtant, leur influence est immense : une simple prise de position de leur part suffirait à décourager certaines pratiques. Mais cette influence est souvent gaspillée dans l’indifférence, parfois même transformée en complicité passive. L’affaire du véhicule intégré au cortège de Papa Ndiago, utilisé comme cachette et lieu de consommation de drogue, en est une illustration frappante.
Certains arguent que les lutteurs ne peuvent contrôler tout ce qui se passe dans leur entourage. Mais cet argument est insuffisant. Lorsque des proches consomment et transportent des drogues sous leurs yeux, dans des véhicules associés à leur image, il devient difficile de croire qu’ils n’en savent rien. La préparation mystique, souvent invoquée pour justifier leur isolement, ne saurait être un paravent à l’irresponsabilité.
Le problème se situe à deux niveaux. D’abord, leur silence face à ces dérives est interprété comme une forme de validation tacite. Pour les jeunes admirateurs, voir des proches de leurs héros impliqués dans des trafics revient à recevoir un signal implicite : si cela est toléré dans le cercle des idoles, pourquoi ne pas l’imiter ? Ensuite, l’absence de condamnation publique des lutteurs mine leur crédibilité morale. Un champion n’est pas seulement jugé sur sa force physique, mais aussi sur son exemplarité. En se taisant, il se rend complice.
Premièrement, les lutteurs envoient un signal désastreux aux jeunes. Leur rôle de modèles impose une vigilance accrue. Or, en laissant leur entourage plonger dans l’illégalité, ils banalisent ces comportements. La drogue devient un accessoire du quotidien, presque intégré au folklore de la lutte.
Deuxièmement, se cacher derrière des rituels mystiques pour ignorer ces pratiques est un alibi commode mais indéfendable. La vraie grandeur ne réside pas seulement dans la force des bras, mais aussi dans le courage moral d’affronter et de dénoncer ce qui abîme l’image de leur discipline.
Troisièmement, leur influence, immense, est tristement détournée. Au lieu de mobiliser leur notoriété pour promouvoir la prévention, l’intégrité et la discipline, ils laissent leur nom être associé à des comportements destructeurs. Les managers et les écuries portent également une part de responsabilité, mais ce sont les lutteurs, en première ligne, qui ont le plus grand devoir de réaction.
Dans d’autres disciplines sportives, les athlètes de haut niveau sont soumis à des exigences strictes. En Amérique ou en Europe, les clubs et fédérations n’hésitent pas à sanctionner sévèrement leurs joueurs pour des comportements extra-sportifs jugés nuisibles. De plus, nombre d’athlètes de renom participent activement à des campagnes de sensibilisation contre les drogues et les dérives sociales. La lutte sénégalaise, en revanche, semble tolérer une zone grise où le prestige des champions les protège de toute exigence morale. C’est paradoxal, car l’impact social des lutteurs, bien plus fort que celui de nombreux sportifs occidentaux, pourrait servir de formidable levier de changement.
La lutte sénégalaise se trouve aujourd’hui à un tournant. Soit elle continue à fermer les yeux sur les dérives qui l’entourent, risquant de ternir son image et de corrompre une jeunesse qui y cherche des modèles, soit elle opère un véritable sursaut moral. Les lutteurs doivent comprendre que leur gloire s’accompagne de responsabilités. Leur silence n’est pas neutre : il est une trahison. Leur inaction n’est pas innocente : elle nourrit le poison de la complaisance.
Si ces champions veulent être reconnus comme de véritables héros, ils doivent enfin se lever, parler et agir. Car on n’honore pas un sport en laissant son nom se mêler à des trafics, mais en protégeant ceux qui, dans les gradins, rêvent de leur ressembler.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sarata Mbaye.
Mis en ligne : 02/09/2025
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