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Vendredi 29 août 2025, la Brigade de Recherches de Keur Massar a interpellé vingt suspects à Bountou Pikine, mettant fin à une série d’agressions qui terrorisaient les riverains de la RN01. L’opération, saluée pour son efficacité, a permis de saisir des machettes, du chanvre indien et, surtout, un carton de diluant cellulosique, plus connu sous le nom de « Guinz ».
Si cette intervention est présentée comme une victoire contre l’insécurité, elle révèle surtout l’ampleur d’un drame social bien plus profond : celui d’une jeunesse livrée à elle-même, contrainte de se réfugier dans des substances bon marché pour échapper à une réalité sans espoir. Derrière les chiffres de la répression, c’est l’échec cuisant des politiques publiques de prévention, d’éducation et de réinsertion qui doit nous interpeller.
Le diluant cellulosique, ou « Guinz », est une drogue dévastatrice, consommée principalement par les jeunes des quartiers défavorisés. Son usage, en forte hausse ces dernières années, n’est pas un hasard : il reflète l’absence totale de perspectives pour des milliers de jeunes Sénégalais. Facile d’accès, extrêmement bon marché, il offre une échappatoire temporaire à une précarité devenue insupportable. Pourtant, où est la politique de santé publique capable de répondre à cette crise ? Les saisies et les arrestations se multiplient, mais rien n’est fait pour briser le cercle vicieux de la misère et de la dépendance. Les spécialistes le répètent : la répression seule ne suffira pas. Il faut éduquer, sensibiliser, et surtout, offrir des alternatives concrètes à ces jeunes en détresse.
L’interpellation des vingt suspects et la saisie de produits illicites sont présentées comme un coup dur porté à l’insécurité. Mais à quel prix ? Ces jeunes, souvent issus de milieux précaires, sont les premières victimes d’un système qui les a abandonnés bien avant qu’ils ne basculent dans la délinquance. Le « Guinz » n’est pas une simple drogue : c’est le symbole d’une société qui a renoncé à protéger ses enfants. Les chefs d’accusation, vagabondage, détention de stupéfiants, ne font que criminaliser la pauvreté, sans jamais s’attaquer à ses causes. Pire, les structures de prise en charge et de réinsertion restent dérisoires, voire inexistantes.
La consommation de « Guinz » et d’autres substances bon marché est directement liée au chômage, au manque d’éducation et à l’absence de projets pour les jeunes. Dans un pays où les promesses de développement social restent lettres mortes, comment s’étonner que des milliers de jeunes se tournent vers des échappatoires destructeurs ? Les spécialistes sénégalais appellent à un changement de paradigme, mettant l’accent sur la recherche, la prévention et l’accompagnement social. Pourtant, les budgets alloués à ces domaines restent dérisoires, comparés aux sommes englouties dans des opérations policières spectaculaires mais éphémères.
En Côte d’Ivoire, des campagnes massives de sensibilisation et de réinsertion ont été lancées pour sauver les jeunes des griffes de la drogue. Des policiers ont été déployés pour éduquer et prévenir, plutôt que pour simplement réprimer. En Algérie, une stratégie nationale pour la lutte contre la drogue a été adoptée, intégrant la réduction des risques et l’accompagnement des usagers. Au Sénégal, en revanche, on se contente de célébrer les saisies et les arrestations, sans jamais s’attaquer aux racines du mal.
L’opération de Bountou Pikine est une goutte d’eau dans un océan de désespoir. Tant que le Sénégal ne mettra pas en place des politiques sociales ambitieuses, éducation, emploi, santé publique, les jeunes continueront de sombrer dans la drogue et la délinquance. La vraie victoire ne sera pas comptabilisée en nombre d’arrestations, mais en nombre de vies sauvées. Il faut cesser de criminaliser la misère et d’investir enfin dans l’avenir de la jeunesse. Sinon, demain, d’autres « Guinz », d’autres repaires et d’autres opérations policières viendront nous rappeler, une fois de plus, notre échec collectif.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Dieynaba Ciss.
Mis en ligne : 04/09/2025
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