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L’affaire du Dr Mohamed Thermos, propriétaire d’un cabinet médical à Dakar, récemment arrêté pour « attentat à la pudeur avec violence » sur une patiente mineure de 16 ans, est bien plus qu’un fait divers sordide. Elle révèle une faille béante dans le système de santé : celle de médecins qui transforment leur cabinet en terrain de chasse, protégés par une blouse blanche et l’impunité d’un système complaisant.
Les faits sont accablants : une jeune fille venue chercher un certificat médical se retrouve victime d’attouchements, de contraintes à des actes sexuels, et d’une tentative de manipulation de sa famille pour étouffer l’affaire. Pourtant, malgré les preuves médicales et les témoignages, c’est toute la profession qui doit aujourd’hui se regarder dans le miroir. Car quand un soignant abuse de sa position, ce n’est pas seulement une victime qui est brisée, c’est la confiance même dans la médecine qui est trahie.
Les agressions sexuelles commises par des professionnels de santé ne sont pas des cas isolés. Au Sénégal, comme ailleurs en Afrique, les chiffres sont alarmants : de nombreux cas d’agressions sexuelles sur mineurs ont été recensés ces dernières années, souvent classés sans suite ou étouffés par des arrangements familiaux. Pire, la majorité des victimes sont des enfants ou des adolescents, et les structures de prise en charge manquent cruellement. Dans un contexte où le corps médical jouit d’un prestige quasi sacré, les victimes, souvent mineures, hésitent à parler par peur de ne pas être crues ou par dépendance à leur médecin.
L’affaire Thermos s’inscrit dans cette logique : une jeune patiente, accompagnée de sa nounou, se retrouve seule face à son agresseur. Le scénario est toujours le même : un praticien profite de l’asymétrie de pouvoir, de la vulnérabilité de sa patiente, et de l’absence de témoins. La sœur de la victime avait déjà été approchée de manière inappropriée par le même médecin. Pourtant, rien n’avait été fait. Pourquoi ? Parce que la société, et parfois même les instances ordinales, ferment les yeux.
Le Dr Thermos a nié les faits, comme la plupart des agresseurs. Mais le certificat médical établi à l’hôpital Principal, évoquant une « éraillure récente au niveau de la fourchette vulvaire postérieure », ne ment pas. Pourtant, au lieu d’une réaction immédiate des autorités médicales, c’est la famille qui a dû se battre pour que l’affaire soit portée devant la justice. Le médecin, lui, a tenté de « gérer la situation » en privé, proposant des excuses en échange du silence. Une stratégie classique : minimiser, nier, et si possible, corrompre.
Ce qui est frappant, c’est l’absence de réaction préventive de la part de l’Ordre des médecins. Dans certains pays, des mécanismes de signalement et de sanction sont mis en place pour protéger les patients et punir les agresseurs. Au Sénégal, en revanche, les procédures de contrôle et de prévention restent floues, voire inexistantes. Pourtant, le serment d’Hippocrate, que chaque médecin prête solennellement, est clair : « Je respecterai l’autonomie et la dignité de mon patient », « Je ne permettrai pas que des considérations de pouvoir s’interposent entre mon devoir et mon patient ». Mais à quoi sert un serment si les institutions chargées de le faire respecter restent silencieuses ? La responsabilité est collective : les confrères qui détournent le regard, les familles qui préfèrent le silence à la honte, et une société qui, trop souvent, accorde plus de crédit au médecin qu’à la victime. Le cabinet médical, lieu de soin, devient ainsi un piège pour les plus vulnérables.
L’abus de pouvoir, arme des prédateurs : un médecin a accès au corps, à l’intimité, et souvent à l’histoire familiale de ses patients. Cette position de domination est instrumentalisée par des individus comme le Dr Thermos, qui savent que leur statut les protège. La jeune fille, venue pour un simple certificat, n’avait aucune raison de se méfier. C’est cette confiance absolue qui est exploitée.
L’impunité comme norme : combien de cas similaires ne sont jamais dénoncés ? Quand les victimes osent porter plainte, elles se heurtent à des procédures longues, à des pressions, et parfois à l’indifférence des instances ordinales. La complicité passive : la sœur de la victime avait déjà été victime de harcèlement de la part du même médecin. Pourquoi aucun signalement n’a-t-il été fait ? La réponse est simple : parce que le système médical, comme beaucoup d’institutions, préfère protéger ses membres plutôt que les patients.
Le serment d’Hippocrate n’est pas qu’un texte ancien. C’est un engagement éthique, un contrat moral avec la société. Quand un médecin l’enfreint, ce n’est pas seulement une faute individuelle, c’est une trahison de la profession toute entière. Les principes de respect de la dignité et de l’autonomie du patient sont trop souvent bafoués.
Cette affaire rappelle tristement d’autres scandales, impliquant des professionnels de santé exploitant leur position sur des patientes vulnérables. Partout, le même schéma : des prédateurs qui exploitent leur position, des victimes qui se taisent, et des institutions qui réagissent trop tard. Dans certains pays, l’Ordre des médecins a durci le ton, avec des sanctions allant jusqu’à la radiation pour les praticiens condamnés. Au Sénégal, aucune politique claire de prévention ou de sanction n’est visible. Pourtant, les solutions existent : formations obligatoires sur le consentement, cellules d’écoute indépendantes, et surtout, une tolérance zéro envers les abus.
L’affaire du Dr Thermos doit servir de déclic. Il ne suffit pas de condamner un homme, il faut réformer tout un système. Cela passe par des protocoles stricts : présence systématique d’un tiers lors des consultations de mineurs, caméras dans les cabinets avec accord des patients, et formations sur l’éthique et le consentement. Une transparence totale : l’Ordre des médecins doit publier les sanctions prises contre les praticiens condamnés et encourager les signalements. Un changement de culture : la société doit cesser de sacraliser les médecins au point de les rendre intouchables. La confiance se mérite, et elle se perd quand on ferme les yeux sur les abus.
Le serment d’Hippocrate n’est pas une relique du passé. C’est un engagement sacré, qui doit être honoré chaque jour. Quand un médecin trahit ce serment, c’est toute la profession qui est salie. Il faut que les instances médicales sénégalaises assument leurs responsabilités : protéger les patients, pas les prédateurs. La justice rendra son verdict dans l’affaire Thermos, mais la vraie question est ailleurs : que fera la profession médicale pour empêcher que cela ne se reproduise ? La réponse déterminera si le serment d’Hippocrate reste une promesse creuse… ou un rempart contre l’horreur.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Salimata Ndoye.
Mis en ligne : 18/09/2025
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