À qui profitent ces drames ? : Le business de la migration clandestine - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Fait divers | Par Eva | Publié le 21/09/2025 09:09:15

À qui profitent ces drames ? : Le business de la migration clandestine

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Mardi 15 septembre 2025, une pirogue transportant de nombreux candidats à l’émigration a accosté sur la plage de Ouakam, à Dakar. Le capitaine aurait abandonné les passagers en pleine mer, avant que des pêcheurs et la marine ne les escortent jusqu’au rivage. L’image de ces migrants épuisés, encadrés par la gendarmerie, a ému l’opinion publique, mais elle ne doit pas masquer une réalité bien plus sombre : derrière chaque départ clandestin se cache une économie lucrative, organisée et protégée par des complicités à différents niveaux.

Ces traversées ne sont pas des initiatives isolées, mais le fruit d’un système où des passeurs, des corrompus et des acteurs locaux tirent des profits considérables de la détresse humaine.

Le Sénégal est devenu l’un des principaux points de départ vers l’Europe par la route atlantique, l’une des plus dangereuses au monde. Chaque année, des milliers de Sénégalais tentent la traversée irrégulière, souvent au prix de leur vie, tandis que les profits s’accumulent pour les passeurs. Le coût d’une traversée peut atteindre 400 000 à 500 000 FCFA par personne, une somme énorme pour des familles modestes mais une véritable aubaine pour les réseaux organisés. Malgré les drames, les départs continuent, alimentés par une machine bien huilée qui profite de la misère et du manque d’alternatives économiques.

Les passeurs ne sont pas des marginaux. Ils opèrent dans les quartiers périphériques, les ports de pêche et parfois en complicité avec les forces de l’ordre. Les réseaux ne sont jamais complètement démantelés : lorsqu’un groupe est arrêté, d’autres se reconstituent rapidement, protégés par la corruption et l’impunité. À Mbour, plaque tournante de la migration irrégulière, l’activité est devenue une véritable industrie locale, avec des ramifications qui touchent tous les maillons de la filière.

Les profits générés par ces réseaux sont colossaux. Les passeurs encaissent des centaines de milliers de francs CFA par migrant, tandis que les filières incluent recruteurs, logisticiens, propriétaires de pirogues et parfois des agents des forces de sécurité qui ferment les yeux contre rétribution. Dans certains pays voisins, des dizaines de réseaux sont démantelés chaque année, mais la migration clandestine continue de prospérer, preuve que les arrestations ponctuelles ne suffisent pas. La corruption et l’impunité demeurent le moteur de ce système, permettant aux réseaux de se réinventer sans cesse.

L’argent est au centre de cette industrie, et les candidats au départ sont considérés comme des marchandises. Les jeunes, souvent sans emploi et sans perspective, se font recruter via les réseaux sociaux et les circuits locaux. Les familles vendent parfois leurs biens pour financer le « voyage », ignorant les risques de naufrage ou d’exploitation. En mer, les migrants sont entassés dans des embarcations surchargées, abandonnés par des capitaines sans scrupules ou livrés à des trafics plus sombres encore.

Les profits colossaux et l’impunité persistante garantissent la pérennité du système. Chaque traversée rapporte plusieurs années de salaire pour un jeune Sénégalais sans emploi, et avec des milliers de départs annuels, les bénéfices se comptent en milliards de francs CFA. La corruption est l’autre pilier : sans complicité de certains agents des forces de l’ordre ou responsables locaux, la filière ne pourrait pas fonctionner. Pourtant, la volonté politique pour briser ces chaînes manque cruellement.

Même les fonds européens censés lutter contre l’immigration clandestine ne semblent pas s’attaquer aux causes profondes. Ils renforcent les contrôles, mais n’offrent pas d’alternatives aux candidats au départ. Les passeurs, eux, innovent et adaptent leurs méthodes, assurant la continuité du drame.

Le Sénégal n’est pas un cas isolé. En Libye, au Maroc, en Tunisie ou en Mauritanie, les mêmes mécanismes se répètent : des réseaux organisés, des complicités locales et des migrants traités comme du bétail. La migration clandestine est devenue une industrie transnationale, où les vies humaines sont monnayées pour le profit d’une minorité, tandis que les États peinent à offrir des solutions durables.

La pirogue échouée à Ouakam est le symptôme d’un système qui prospère sur la détresse humaine. Tant que les passeurs et leurs complices ne seront pas traqués, que la corruption persistera, et que les jeunes n’auront pas d’alternatives économiques ou éducatives, ces drames se répéteront. Il est temps de :

Démanteler les réseaux de manière systématique, en poursuivant commanditaires et complices. Lutter contre la corruption dans les forces de l’ordre et l’administration. Offrir aux jeunes des alternatives via l’emploi, l’éducation et des voies de migration légales. Assurer la transparence totale sur les fonds destinés à la lutte contre l’immigration clandestine, pour qu’ils servent à sauver des vies et non à entretenir l’impunité.

La migration clandestine n’est pas une fatalité : c’est un choix politique et économique qui enrichit des criminels au détriment des plus vulnérables. Il est temps que cette injustice cesse.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mariama S. Kane.
Mis en ligne : 21/09/2025

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