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Le Joola n’est malheureusement qu’un symbole parmi d’autres de l’incurie générale qui frappe le Sénégal. Depuis 2002, les naufrages se répètent, les accidents de la route s’enchaînent, les incendies et les effondrements d’immeubles font régulièrement la une des journaux. En septembre 2024, au moins 39 migrants ont péri dans le naufrage d’une pirogue surchargée au large de Mbour, rappelant douloureusement les conditions du drame du Joola : embarcations vétustes, surcharge, absence de secours rapides.
En août 2025, 33 personnes ont trouvé la mort dans des accidents de la route lors du Grand Magal de Touba, un pèlerinage annuel où les mêmes causes, mauvais état des véhicules, excès de vitesse, manque de contrôles, produisent les mêmes effets. Les noyades à Saly, les effondrements de bâtiments à Dakar, les incendies meurtriers comme celui du daaka de Médina Gounass en 2025, où 46 personnes ont péri, montrent que le pays reste prisonnier d’un cycle de tragédies évitables.
Ces drames ne sont pas des fatalités. Ils sont le résultat d’un manque criant de culture de la prévention. Au Sénégal, on gère les crises, on ne les anticipe pas. Les rapports d’enquête s’accumulent, mais les recommandations restent lettre morte. Après le Joola, plusieurs commissions ont pointé les négligences, bateau surchargé, absence de titre de sécurité, retard des secours, mais aucune réforme structurelle n’a été engagée. Les transports maritimes, routiers et publics continuent de fonctionner dans l’improvisation, avec des infrastructures défaillantes et un contrôle des normes quasi inexistant.
La responsabilité de cette situation ne repose pas uniquement sur les épaules de l’État. Les citoyens, les médias et les élites ferment trop souvent les yeux jusqu’à ce que la prochaine catastrophe survienne. Les passeurs qui entassent des centaines de migrants sur des pirogues insalubres opèrent en toute impunité, tout comme les propriétaires de cars surchargés ou les promoteurs immobiliers qui construisent sans respecter les normes. Les médias couvrent les drames quand ils surviennent, mais rarement les dysfonctionnements qui les rendent possibles.
Quant aux élites politiques, elles se contentent de promesses électoralistes, sans jamais s’attaquer aux causes profondes : corruption, clientélisme, manque de moyens alloués à la sécurité et à la prévention. Le Joola aurait pu être un électrochoc. Pourtant, 23 ans plus tard, les mêmes erreurs se répètent. Les familles des victimes attendent toujours justice, les indemnités promises tardent à arriver, et les mesures annoncées comme le Plan Diomaye peinent à se concrétiser. Pire, le pays semble s’habituer à ces tragédies, comme si elles faisaient partie du paysage national.
À l’inverse, des pays comme la Norvège ou le Japon ont montré qu’il était possible de réduire drastiquement les accidents maritimes et routiers. La Norvège, par exemple, applique des réglementations strictes – contrôles techniques réguliers, formation des équipages, modernisation des infrastructures portuaires – et investit massivement dans la sécurité maritime. Le Japon, de son côté, a mis en place des systèmes de prévention des risques naturels et des normes de construction parmi les plus exigeantes au monde. Résultat : ces pays enregistrent des taux d’accidents bien inférieurs à ceux du Sénégal, malgré des conditions parfois plus difficiles.
Ces exemples prouvent qu’une autre voie est possible. Elle passe par une volonté politique forte, une administration transparente et une société civile exigeante. Or, au Sénégal, la prévention reste le parent pauvre des politiques publiques. Les budgets alloués à la sécurité routière, maritime ou urbaine sont insuffisants, et les contrôles, quand ils existent, sont souvent contournés.
Il faut briser ce cycle. Le Sénégal ne peut plus se contenter de pleurer ses morts une fois par an. Il doit enfin renforcer les contrôles en appliquant strictement les normes de sécurité dans les transports, la construction et les lieux publics, sanctionner les responsables en mettant fin à l’impunité des armateurs, des promoteurs et des fonctionnaires négligents, investir dans la prévention en formant les secours, modernisant les infrastructures et sensibilisant les populations, et impliquer la société civile afin que les associations, les médias et les citoyens exigent des comptes et refusent l’inacceptable.
Le Joola ne doit pas être qu’un symbole de deuil, mais un rappel permanent que la sécurité des citoyens n’est pas négociable. Tant que le Sénégal ne tirera pas les leçons de ses tragédies, il restera condamné à les revivre. La question n’est pas de savoir si un nouveau drame surviendra, mais quand. Et cette fois, personne ne pourra dire qu’on ne savait pas.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Astou Sarr.
Mis en ligne : 23/09/2025
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