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Dimanche 21 septembre 2025, un joggeur découvre le corps d’Ousmane B., un jeune homme de grande taille, pendu à un anacardier dans la forêt classée de Boune. La nouvelle se propage, attirant une foule de curieux, mais aussi des questions troublantes : ses pieds touchaient encore le sol, et les causes de sa mort restent floues. Si la thèse du suicide est avancée, les zones d’ombre persistent. Ce drame n’est pas un cas isolé.
Il révèle une réalité plus large et plus sombre : au Sénégal, comme ailleurs, les forêts deviennent des « zones de relégation » pour ceux que la société préfère ne pas voir souffrir. Ces espaces, autrefois sanctuaires de vie, se transforment en lieux de mort silencieuse, symptômes d’un effondrement collectif face à la précarité économique, à l’absence de soutien psychologique et à l’indifférence générale.
Les forêts, par leur isolement et leur symbolique, offrent un refuge aux personnes en détresse. Au Sénégal, le suicide reste un sujet tabou, souvent sous-déclaré et mal compris. Pourtant, les cas se multiplient, touchant surtout les jeunes et les hommes, souvent confrontés au chômage, à la pauvreté et à l’absence de perspectives. Les forêts, comme celle de Boune, deviennent des lieux où l’on meurt loin des regards, où la souffrance se cache derrière les arbres.
Le cas d’Ousmane B. est emblématique. Licencié de son atelier de menuiserie, retourné vivre chez sa mère, il incarnait la précarité grandissante des jeunes Sénégalais. Les forêts, espaces supposément protégés, deviennent des lieux de dernier recours pour ceux qui n’ont plus rien à perdre. Leur isolement reflète celui des victimes : coupées des réseaux de soutien, elles y trouvent une solitude ultime. Pourtant, ces drames ne sont pas une fatalité.
Dans d’autres pays, certaines forêts tristement célèbres pour les suicides ont poussé les autorités à mettre en place des panneaux de prévention, des patrouilles et des numéros d’urgence. Au Sénégal, rien de tel. Aucune signalétique, aucune campagne de sensibilisation, aucune surveillance. Les forêts restent des angles morts des politiques publiques, comme si la société préférait ignorer ces morts plutôt que d’affronter leurs causes.
L’absence de prévention est criante. Alors que des pays comme la France ou le Japon identifient les forêts comme « lieux à risque » et déploient des dispositifs d’aide, le Sénégal ne dispose même pas de statistiques fiables sur les suicides. La précarité économique et sociale aggrave la détresse psychologique. Les jeunes, en particulier, sont les premières victimes d’un système qui ne leur offre ni emploi ni espoir. Enfin, le tabou autour de la santé mentale empêche toute discussion ouverte. Les familles, les employeurs, les institutions ferment les yeux, jusqu’à ce que le drame survienne.
Dans d’autres contextes, des mesures concrètes ont été mises en place : patrouilles, panneaux, lignes d’écoute, sensibilisation des communautés locales et création d’espaces d’écoute. Au Sénégal, l’inaction persiste. Pourtant, ces solutions sont accessibles si seulement le suicide était reconnu comme un problème de santé publique et non comme un simple fait divers.
La mort d’Ousmane B. doit être un électrochoc. Les forêts ne devraient pas être des cimetières pour les oubliés. Il est temps de briser le silence, de mettre en place des politiques de prévention et de soutenir ceux qui souffrent en silence. La société sénégalaise ne peut plus se permettre de détourner le regard. Chaque vie perdue dans l’ombre des arbres est un échec collectif. Agir, c’est refuser que nos forêts deviennent les tombeaux de notre indifférence.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Daouda S.
Mis en ligne : 25/09/2025
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