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Le 29 septembre 2025, près de la gare routière de Bignona, un agent de Wave a été violemment agressé par quatre individus, qui lui ont dérobé 16 millions de francs CFA, plusieurs téléphones et ses pièces d’identité. Si l’interpellation rapide des suspects par la gendarmerie est à saluer, elle ne doit pas masquer une réalité alarmante : les agents de transfert d’argent, souvent livrés à eux-mêmes, sont devenus des cibles faciles pour les criminels.
Cette agression n’est pas un cas isolé, mais le symptôme d’un système défaillant, où la sécurité des employés manipulant des sommes importantes est sacrifiée au profit de la rentabilité et de l’inaction des acteurs concernés. On doit poser une question simple, mais urgente : pourquoi ces travailleurs, essentiels à l’économie informelle et aux familles sénégalaises, sont-ils si peu protégés ?
Au Sénégal, les agents de transfert d’argent jouent un rôle clé dans la circulation des fonds, notamment pour les populations non bancarisées. Pourtant, leur métier les expose quotidiennement à des risques majeurs. Le nombre de déclarations d’opérations financières suspectes a bondi de 145 % en 2023, et 928 cas ont été répertoriés en 2024, dont une grande partie concerne des vols et des agressions ciblant les agents et les points de vente. Ces chiffres révèlent une insécurité grandissante, alors que les entreprises comme Wave, Orange Money ou Western Union réalisent des profits considérables grâce à ces transactions.
Les mesures de sécurité mises en place par ces opérateurs restent insuffisantes. À l’inverse, dans d’autres pays africains ou en Europe, les protocoles de sécurité pour les transferts d’argent incluent des escortes pour les gros montants, des systèmes de traçabilité renforcés, et des formations régulières pour les agents. Au Sénégal, en revanche, les agents sont souvent laissés sans protection, manipulant des liquidités importantes dans des conditions précaires, parfois tard le soir ou dans des zones peu sécurisées.
L’agression de Bignona soulève deux problèmes majeurs : l’absence de protocoles de sécurité adaptés et le manque de responsabilité des entreprises. Pourquoi Wave et ses concurrents ne fournissent-ils pas d’escortes pour les agents transportant des sommes élevées ? Pourquoi les points de vente ne sont-ils pas équipés de systèmes d’alarme ou de caméras de surveillance performantes ? Les solutions existent : cryptage des transactions, authentification à deux facteurs, ou encore partenariats avec les forces de l’ordre pour sécuriser les zones à risque. Pourtant, leur mise en œuvre tarde, comme si la vie des agents valait moins que les marges bénéficiaires.
Les pouvoirs publics, de leur côté, ont bien élevé la lutte contre la délinquance financière au rang des priorités, mais cette volonté politique se traduit rarement par des actions concrètes sur le terrain. Les gares routières, les marchés et les axes stratégiques restent des zones de non-droit, où les agressions se multiplient. Pire, les peines pour ce type de crime sont rarement dissuasives, et les tribunaux peinent à suivre le rythme des dossiers.
Chaque agression contre un agent de transfert d’argent a des conséquences bien au-delà du vol lui-même. Derrière les 16 millions de francs CFA dérobés à Bignona, ce sont des centaines de familles qui dépendent de ces fonds pour subvenir à leurs besoins. Les entreprises, en ne protégeant pas leurs employés, mettent en péril non seulement leur sécurité, mais aussi la stabilité économique de milliers de ménages.
Par ailleurs, la transition vers le numérique, souvent présentée comme une solution miracle, tarde à se concrétiser. Pourtant, des pays comme le Kenya ont montré que la dématérialisation des transferts réduit considérablement les risques pour les agents. Au Sénégal, malgré les progrès technologiques, l’argent liquide reste roi, et avec lui, les dangers qui l’accompagnent.
À l’international, les entreprises de transfert d’argent ont adopté des mesures strictes : vérification systématique des identités, plafonds de retrait, et collaborations avec les autorités locales pour sécuriser les points de vente. En Côte d’Ivoire, Orange Money et MTN ont mis en place des protocoles de sécurité renforcés, incluant des alertes en temps réel et des formations pour les agents. En Europe, les plateformes de transfert en ligne utilisent des systèmes de cryptage avancés et des authentifications biométriques pour protéger les transactions. Pourquoi le Sénégal ne s’inspire-t-il pas de ces modèles ?
L’agression de l’agent Wave à Bignona n’est pas une fatalité, mais le résultat d’une négligence collective. Les entreprises doivent assumer leur responsabilité en mettant en place des protocoles de sécurité dignes de ce nom. Les pouvoirs publics doivent, quant à eux, renforcer les contrôles et les sanctions, et accélérer la transition vers des solutions numériques sécurisées.
La question n’est plus de savoir s’il faut agir, mais quand. Faut-il attendre un drame encore plus grave pour que les choses changent ? Les agents de transfert d’argent ne sont pas des variables d’ajustement : ce sont des travailleurs qui méritent respect et protection. Il faut que les entreprises et l’État sénégalais passent des paroles aux actes. La sécurité de ces hommes et femmes ne peut plus être une option, mais une priorité absolue. Sinon, le prochain fait divers ne sera qu’une question de temps.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Landing D.
Mis en ligne : 02/10/2025
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