L'illusion du changement : Pourquoi le Cameroun reste bloqué - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 03/11/2025 01:11:00

L'illusion du changement : Pourquoi le Cameroun reste bloqué

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L’actualité politique camerounaise est marquée par la proclamation de Paul Biya comme vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, avec 53,66 % des suffrages. Face à ce résultat, Issa Tchiroma, ancien ministre et candidat malchanceux, conteste les chiffres et appelle à la résistance pacifique. Dans ce contexte, Nathalie Yamb, activiste suisso-camerounaise, a choisi de fustiger non pas le système en place, mais la légitimité même de la contestation de Tchiroma. Selon elle, celui qui accepte de jouer selon les règles du jeu ne peut se plaindre à la fin. Pourtant, derrière cette posture moralisatrice se cache une critique stérile, plus préoccupée par la forme que par le fond, et qui, surtout, ne propose aucune alternative crédible pour le Cameroun.

Le Cameroun de 2025 est un pays usé par 43 ans de règne de Paul Biya, marqué par une gouvernance sclérosée, une économie en berne et des tensions sociales persistantes. Issa Tchiroma, figure emblématique du régime pendant plus de deux décennies, a rompu avec le pouvoir en place il y a à peine quelques mois, se présentant comme le porteur d’un changement tant attendu. Son parcours, de ministre fidèle à opposant déclaré, est certes ambigu, mais il reflète une réalité plus large : celle d’une classe politique camerounaise prisonnière d’un système qu’elle a elle-même contribué à construire. Dans ce paysage, Nathalie Yamb, connue pour ses prises de position radicales contre l’Occident et les institutions africaines traditionnelles, s’érige en juge impitoyable, dénonçant avec véhémence la « mascarade électorale » et l’hypocrisie des acteurs politiques locaux. Pourtant, ses critiques, aussi virulentes soient-elles, peinent à convaincre, tant elles semblent déconnectées des réalités du terrain et des aspirations profondes des Camerounais.

Nathalie Yamb reproche à Tchiroma d’avoir servi le régime avant de le critiquer, soulignant qu’un tel revirement ne peut incarner un vrai changement. Elle a raison sur un point : la crédibilité de Tchiroma est entachée par son long passé au service de Biya. Mais en se contentant de pointer du doigt les incohérences de l’ancien ministre, sans jamais proposer de voie concrète pour sortir le pays de l’impasse, Yamb tombe dans le piège de la critique facile. Son discours, souvent provocateur et radical, trouve un écho auprès d’une jeunesse africaine en quête de rupture, mais il reste avant tout négatif, voire destructeur. Elle dénonce, elle fustige, elle accuse mais elle ne construit rien. Pire, ses prises de position récentes, comme son soutien aux régimes militaires du Sahel ou sa nomination comme conseillère spéciale du président burkinabè Ibrahim Traoré, révèlent une préférence pour les solutions autoritaires plutôt que pour la démocratie, aussi imparfaite soit-elle.

Premièrement, Nathalie Yamb semble ignorer que le changement politique ne peut advenir sans une participation, même imparfaite, au jeu démocratique. En rejetant en bloc toute forme de compromis ou de transition, elle condamne le Cameroun à une impasse : soit le statu quo, soit le chaos. Deuxièmement, son activisme, bien que médiatique, manque cruellement de propositions concrètes. Elle appelle à la résistance, à la rupture, à la révolution, mais sans jamais préciser comment ces objectifs pourraient être atteints sans basculer dans la violence ou l’instabilité. Enfin, son propre parcours est loin d’être exempt de contradictions : vivante en Suisse, elle critique les élites africaines depuis l’étranger, tout en soutenant des régimes qui, sous couvert de souveraineté, étouffent les libertés fondamentales.

La situation camerounaise n’est pas isolée. En Afrique de l’Ouest, des pays comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger ont connu des coups d’État présentés comme des ruptures avec l’ordre néocolonial. Pourtant, ces transitions militaires, que Yamb salue, n’ont pas encore démontré leur capacité à apporter prospérité ou stabilité. Au contraire, elles ont souvent aggravé les crises humanitaires et sécuritaires. Le Cameroun, malgré ses défauts, reste ancré dans un cadre institutionnel, aussi fragile soit-il. Rejeter en bloc ce cadre, comme le fait Yamb, revient à prendre le risque d’un effondrement bien plus grave que les maux actuels.

Nathalie Yamb a le mérite de braquer les projecteurs sur les dysfonctionnements du système politique camerounais. Mais son activisme, trop souvent réduit à la dénonciation, ne fait qu’alimenter la frustration sans offrir de perspective. Le Cameroun a besoin de réformes profondes, de transparence, et d’une opposition capable de proposer, et pas seulement de critiquer. En se contentant de jouer les procureurs, Yamb contribue à stériliser le débat politique, au lieu de l’enrichir. La vraie question n’est pas de savoir qui a trahi qui, mais comment construire, ensemble, un avenir meilleur pour le Cameroun. À trop critiquer pour critiquer, on finit par devenir complice de l’immobilisme qu’on prétend combattre.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Assane Diallo.
Mis en ligne : 03/11/2025

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