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Le meurtre d’Aminata Tall, 60 ans, poignardée dans son appartement de Zurich par une compatriote sénégalaise qu’elle hébergeait, a bouleversé la communauté africaine de Suisse. Les médias ont rapporté les faits : une dispute liée à la fin d’un hébergement temporaire, une femme récemment divorcée et sans-logis, un drame qui se termine dans le sang. Derrière ce fait divers, c’est l’échec cuisant d’un discours trop souvent répété, celui de la « solidarité africaine » ou « communautaire », censée protéger les siens. Pourtant, Aminata Tall est morte seule, et sa meurtrière présumée, A. Diao, n’a trouvé ni soutien ni solution avant de passer à l’acte. Où étaient les réseaux d’entraide ? Où étaient les associations ? Où était cette solidarité tant vantée ?
Les diasporas africaines en Europe sont souvent présentées comme des modèles d’entraide, capables de pallier les défaillances des États et des sociétés d’accueil. Pourtant, la réalité est bien différente. Les études montrent que ces communautés, bien que dynamiques sur le plan culturel ou économique, peinent à protéger leurs membres les plus vulnérables : femmes seules, divorcées, sans-logis, ou en situation de précarité administrative.
En Suisse, comme ailleurs en Europe, les femmes migrantes cumulent les vulnérabilités, isolement, précarité, dépendance aux statuts juridiques et les structures communautaires, quand elles existent, sont rarement en mesure d’offrir un filet de sécurité efficace. Les associations, souvent informelles et sous-financées, se heurtent à l’absence de reconnaissance juridique et à un manque criant de moyens. Résultat : des drames comme celui d’Aminata Tall ne sont pas des exceptions, mais le symptôme d’un système à bout de souffle.
Aminata Tall a accueilli A. Diao par solidarité, un geste qui aurait dû être salué et soutenu. Pourtant, aucune structure communautaire ou associative n’est intervenue pour désamorcer la crise, pour offrir une médiation, un logement d’urgence, ou un accompagnement psychologique. Pire, les femmes migrantes en Suisse sont souvent laissées pour compte, confrontées à des obstacles juridiques, sociaux et économiques qui les rendent invisibles. Les rapports récents soulignent leur isolement, leur difficulté à obtenir un statut stable, et leur exclusion des dispositifs de protection sociale. Leur précarité est aggravée par des politiques migratoires qui les maintiennent dans une position subalterne, dépendantes de leur conjoint ou de réseaux informels souvent défaillants.
Le mythe de la solidarité communautaire sert trop souvent à masquer l’absence de politiques publiques adaptées. On attend des diasporas qu’elles résolvent des problèmes que ni les États africains ni les pays d’accueil ne veulent ou ne peuvent régler : logement, santé, intégration. Pourtant, ces communautés n’ont ni les ressources ni la légitimité pour jouer ce rôle. Leur action reste fragmentée, informelle, et incapable de répondre aux besoins les plus urgents. Le drame de Zurich révèle une vérité gênante : la solidarité, quand elle existe, est trop souvent un pansement sur une jambe de bois, une réponse individuelle à des problèmes systémiques.
Ce cas n’est pas isolé. En France, en Belgique, en Allemagne, les mêmes schémas se répètent : des femmes migrantes, abandonnées par les institutions, se tournent vers leur communauté en dernier recours, mais trouvent rarement une solution durable. Les conflits non résolus, les violences, les drames familiaux sont légion, mais rarement médiatisés. Les diasporas africaines, malgré leur volonté, ne peuvent remplacer des politiques sociales ambitieuses et des dispositifs d’accueil dignes de ce nom.
Il faut cesser de brandir la solidarité communautaire comme une solution miracle. Les États, les municipalités, les associations doivent assumer leurs responsabilités. Il faut des logements d’urgence accessibles, des accompagnements sociaux et juridiques renforcés, et une reconnaissance réelle du rôle des diasporas dans l’intégration. Sinon, d’autres Aminata Tall paieront le prix de notre indifférence.
La solidarité ne doit pas être un alibi pour l’inaction. Il faut mettre en place des dispositifs concrets pour protéger les femmes migrantes, de financer les associations qui œuvrent sur le terrain, et de cesser de reporter sur les communautés la charge de problèmes qui dépassent largement leurs moyens. Le meurtre d’Aminata Tall doit servir de déclic : la solidarité, ça se prouve, ça s’organise, ça se finance. Sinon, elle n’est qu’un mot creux, et les drames continueront.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Tabara Mbaye.
Mis en ligne : 10/11/2025
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