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L’affaire de Dior S., 40 ans, violée à plusieurs reprises par un voisin de 23 ans dans le quartier Sam-Sam de Dakar, est bien plus qu’un fait divers sordide. Elle est le symbole criant de l’abandon des personnes en situation de handicap mental par l’État, la communauté et la société sénégalaise dans son ensemble. Comme le rapporte Les Échos, cette femme, souffrant de troubles psychiques depuis des années, dormait devant le domicile familial, livrée à elle-même, tandis que ses proches, malgré leur vigilance, ne pouvaient la protéger faute de soutien institutionnel.
Ce drame révèle une réalité accablante : au Sénégal, les personnes handicapées mentales sont non seulement stigmatisées, mais aussi laissées sans défense face aux prédateurs. Ce cas n’est malheureusement pas isolé. Il illustre l’échec collectif d’une société qui, malgré des lois et des engagements internationaux, peine à garantir la sécurité et la dignité de ses membres les plus vulnérables.
Le Sénégal s’est engagé, sur le papier, à protéger les droits des personnes handicapées. La loi n° 2020-05 criminalisant le viol et la pédophilie, ainsi que la Convention relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par l’État, devraient offrir un cadre juridique solide pour prévenir de tels abus. Pourtant, la réalité est tout autre. Le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a récemment souligné l’urgence pour le gouvernement sénégalais d’adopter des « mesures immédiates et concrètes » pour lutter contre les violences et la stigmatisation dont sont victimes les femmes et les enfants handicapés, notamment mentaux. Le Plan stratégique Santé Mentale 2024-2028, bien qu’ambitieux, peine à se concrétiser : les structures d’accueil manquent cruellement, les campagnes de sensibilisation sont quasi inexistantes, et les familles, livrées à elles-mêmes, doivent improviser des solutions pour protéger leurs proches.
L’histoire de Dior S. révèle plusieurs dysfonctionnements majeurs. D’abord, l’absence de structures adaptées : où sont les centres d’hébergement sécurisés pour les personnes en situation de handicap mental ? Où sont les programmes de prise en charge médicale et sociale ? Les familles, comme celle de Dior, sont souvent contraintes de laisser leurs proches dormir dans la rue, faute de mieux. Ensuite, la stigmatisation persistante : dans une société où les troubles psychiques sont encore tabous, les victimes deviennent des proies faciles. Enfin, l’inefficacité de la justice : malgré l’arrestation de Mame Thierno D., combien d’autres agresseurs bénéficient de l’impunité, faute de signalements, de preuves ou de volonté politique ?
Les chiffres sont alarmants : selon l’OMS, les femmes en situation de handicap sont quatre fois plus exposées aux violences sexuelles, et sept fois plus lorsqu’il s’agit d’une déficience mentale. Pourtant, les mécanismes de protection promis par l’État inspections renforcées, unités spécialisées, sensibilisation restent largement théoriques.
L’État absent : Malgré des textes de loi et des plans stratégiques, les moyens alloués à la santé mentale et à la protection des personnes handicapées sont insuffisants. Le Sénégal ne compte que 40 psychiatres pour toute la population, et les soins en milieu carcéral ou rural sont quasi inexistants.
Des familles abandonnées : Les proches de Dior S. ont tout tenté pour la protéger, mais sans soutien, leur vigilance a ses limites. Combien de familles vivent le même calvaire ?
Une société complice : Le silence, l’indifférence, voire la complicité passive des voisins et des institutions permettent à des crimes comme celui-ci de se reproduire. La stigmatisation des maladies mentales aggrave encore leur vulnérabilité.
Un viol, symbole d’un échec systémique : Ce cas n’est pas un accident, mais la conséquence directe d’un système qui néglige, marginalise et abandonne les plus fragiles.
En France, la santé mentale a été déclarée « grande cause nationale » en 2025, avec des campagnes massives de sensibilisation et des structures d’accueil renforcées. Au Sénégal, malgré des avancées législatives, la mise en œuvre reste timide. Les pays qui ont réussi à réduire les violences contre les personnes handicapées l’ont fait grâce à une volonté politique forte, des budgets dédiés et une mobilisation citoyenne. Le Sénégal, lui, accuse un retard coupable.
Le viol de Dior S. doit servir de déclic. Il faut que l’État sénégalais passe des promesses aux actes : renforcer les structures d’accueil, lancer des campagnes de sensibilisation massives, former les forces de l’ordre et les soignants, et garantir l’application stricte des lois. La protection des personnes handicapées mentales n’est pas une option, mais une obligation morale et juridique. Tant que la société sénégalaise fermera les yeux, des Dior S. continueront de souffrir en silence. L’heure n’est plus à l’indignation, mais à l’action. Protéger les plus vulnérables, c’est protéger l’humanité toute entière.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Lamine Sow.
Mis en ligne : 11/12/2025
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