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Ce vendredi 28 novembre 2025, Ousmane Sonko a de nouveau utilisé l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour revenir sur l’affaire Aminata Touré, invoquant des « nouvelles preuves » liées au rapport de l’Inspection générale d’État (IGE) sur la gestion du CESE et la disparition présumée de près de deux milliards de FCFA. Si le droit de contrôle et de débat est au cœur du mandat parlementaire, la répétition de ces interventions, ciblées et polémiques, interroge : l’Assemblée nationale est-elle encore un lieu de débat démocratique, ou une scène pour des règlements de comptes personnels, au mépris de l’intérêt général ?
L’affaire remonte à 2023, lorsque le rapport de l’IGE sur le CESE, approuvé par l’ancien président Macky Sall, a épinglé la gestion d’Aminata Touré. Cette dernière, aujourd’hui Haute-Représentante du chef de l’État, a toujours nié toute malversation et proposé une audition publique pour clarifier la situation. Pourtant, Ousmane Sonko, Premier ministre et figure centrale du parti Pastef, revient régulièrement sur ce dossier, relançant les tensions au sommet de l’État. Le contexte est d’autant plus tendu que Sonko et Aminata Touré incarnent deux pôles rivaux au sein de la coalition présidentielle, chacun cherchant à affaiblir l’autre.
L’Assemblée nationale est conçue pour légiférer, contrôler l’action gouvernementale et représenter les citoyens. Or, les interventions de Sonko sur l’affaire Aminata Touré, souvent spectaculaires et médiatisées, transforment l’hémicycle en arène judiciaire. Le règlement intérieur de l’Assemblée sénégalaise rappelle que les attaques personnelles et les troubles aux débats doivent être sanctionnés. Pourtant, ces principes semblent ignorés quand il s’agit de régler des comptes politiques. En France, sous la IVe République, une telle dérive avait conduit à l’instabilité chronique et à la paralysie des institutions. Au Sénégal, le risque est le même : la sacralité de l’Assemblée s’effrite au profit de joutes personnelles.
Depuis son arrivée à la tête du gouvernement, Ousmane Sonko a surtout brillé par ses prises de parole polémiques. Son bilan législatif reste maigre : malgré une majorité écrasante (130 députés sur 165), le Pastef peine à faire adopter des réformes structurelles. Les séances de questions d’actualité, censées contrôler l’action gouvernementale, deviennent des tribunes pour des attaques ciblées. Où sont les projets de loi pour l’emploi, l’éducation, ou la santé ? Où sont les débats de fond sur les grands enjeux nationaux ?
En instrumentalisant l’Assemblée pour des règlements de comptes, Sonko contribue à affaiblir la démocratie sénégalaise. Les députés de l’opposition, souvent absents ou réduits au silence, dénoncent une « monarchie parlementaire ». La crédibilité de l’institution s’en trouve ébranlée, d’autant que les citoyens attendent des solutions, non des polémiques.
Malgré sa majorité, Sonko n’a pas su imposer un agenda législatif ambitieux. Les législatives de 2024 ont certes donné une large victoire au Pastef, mais la mobilisation des électeurs a été faible, signe d’un désenchantement croissant.
En focalisant l’attention sur Aminata Touré, Sonko évite de rendre des comptes sur ses propres promesses (lutte contre la corruption, réforme de l’État, etc.). Pourtant, son parti a été épinglé pour des pratiques similaires à celles qu’il dénonce.
Au Sénégal comme ailleurs (France sous la IVe République, Italie des années 1990), l’Assemblée ne doit pas devenir un théâtre de règlements de comptes. Quand les débats parlementaires se réduisent à des attaques personnelles, c’est la démocratie qui en pâtit.
En France, la Ve République a été conçue pour éviter les dérives du « régime d’assemblée », en renforçant l’exécutif et en encadrant strictement les débats parlementaires. Au Sénégal, le risque est de voir l’Assemblée nationale perdre sa légitimité, comme ce fut le cas au Venezuela ou en Turquie, où le parlement est devenu une chambre d’enregistrement des volontés du pouvoir.
L’Assemblée nationale doit redevenir un lieu de dialogue, de propositions et de contrôle constructif. Ousmane Sonko, en tant que Premier ministre et député, a le devoir de montrer l’exemple. Plutôt que de transformer l’hémicycle en tribunal, il devrait y défendre des projets concrets pour le Sénégal. Les citoyens attendent des actes, non des polémiques. La démocratie sénégalaise, souvent citée en exemple en Afrique, mérite mieux que des règlements de comptes en direct. Il faut redonner à l’Assemblée nationale sa noblesse et sa raison d’être : servir l’intérêt général, non les ambitions personnelles.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 15/12/2025
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