Gardez-le bien en tête, Wamè n’est pas un film comme les autres. Ce court-métrage en noir et blanc du réalisateur sénégalais Joseph Gaï Ramaka est une plongée à la fois viscérale et poétique dans l’âme africaine. Projeté au plus grand festival du court-métrage de Clermont-Ferrand, il se distingue par son esthétique saisissante et sa narration symbolique qui dépeint la force et la fragilité de l’humanité. Plus qu’un simple film, Wamè est une odyssée qui fait écho aux drames et aux espoirs de notre époque.
Dès les premières images, Wamè impose une atmosphère hypnotique : des hommes au sol, torse nu, rament avec une énergie désespérée tandis qu’une voix rauque exalte l’invincibilité. Ce n’est pas seulement une représentation artistique, mais une métaphore puissante des souffrances passées et présentes des peuples africains. Ramaka ne se contente pas de filmer, il ressuscite les mémoires enfouies et leur donne une force presque mythologique. Il fait de l’océan un personnage à part entière, porteur de tragédies anciennes et contemporaines.
L’histoire suit un groupe d’hommes embarquant sur un navire, un voyage dont nul ne sait s’il connaîtra un retour. Cette errance rappelle irrémédiablement celle des migrants d’aujourd’hui qui, animés par l’espoir, bravent les flots au péril de leur vie. Le cinéaste sénégalais pose une question cruelle et essentielle : comment, après des siècles d’exils forcés, l’Afrique en est-elle encore à voir ses enfants risquer la mer pour fuir ? C’est cette dimension universelle et douloureuse qui donne toute sa profondeur à Wamè.
Mais ce film ne se limite pas à une fresque de désespoir. Il est aussi une célébration de la résistance, incarnée par la danse et le chant. Dans Wamè, le corps devient un langage, une mémoire vivante. Comme l’explique Ramaka, la musique et le mouvement sont les cris du corps, un moyen d’exprimer l’indicible. Mamadou Goo Ba, chanteur hors pair, porte cette émotion avec une intensité rare. Chaque note, chaque pas de danse semble déchirer le voile du silence qui entoure trop souvent les drames de l’histoire africaine.
Avec Wamè, Joseph Gaï Ramaka signe une œuvre magistrale, un film qui ne se regarde pas passivement mais qui se vit, qui s’imprègne en nous comme une litanie inoubliable. Ce court-métrage n’est pas simplement une fable visuelle, c’est un appel à la mémoire et à la conscience, une invitation à réfléchir sur notre passé, notre présent et notre avenir. Il confirme que le cinéma africain peut être à la fois un miroir de notre réalité et une porte vers une réinvention de notre propre mythe.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Babacar Toure.
Mis en ligne : 06/02/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.