C’est une page sombre de l’histoire économique du Vietnam qui continue de s’écrire. La cour d’appel de Hô Chi Minh-Ville a condamné ce lundi Truong My Lan à 30 ans de prison pour blanchiment d’argent, dans une affaire qui incarne le plus grand scandale financier jamais enregistré dans le pays.
Figure de proue du conglomérat Van Thinh Phat et ancienne patronne influente de l’immobilier, Truong My Lan, 68 ans, a été jugée coupable d’avoir blanchi l’équivalent de 17 milliards de dollars — une somme vertigineuse représentant près de 4 % du produit intérieur brut du Vietnam.
Le juge Pham Cong Muoi, qui présidait la cour, a reconnu la gravité des faits mais a également tenu compte des efforts de la prévenue pour atténuer les conséquences de ses actes. « Lan a joué un rôle important […] mais nous prenons aussi en compte la somme d’argent qu’elle a dépensée pour réparer les conséquences », a-t-il déclaré au terme d’un procès ouvert fin mars.
Ce nouveau jugement intervient quelques mois après une précédente affaire dans laquelle Truong My Lan avait été condamnée à la peine capitale, verdict confirmé en appel en décembre dernier. Cette première procédure portait sur le détournement de 27 milliards de dollars via la Saigon Commercial Bank (SCB), une institution financière que son groupe contrôlait de facto. Le tribunal avait alors laissé entrevoir une possible commutation de peine si elle restituait au moins 75 % des fonds volés.
Dans ce second dossier, la justice s’est penchée sur un autre pan de l’affaire : le blanchiment de 17,7 milliards de dollars, le transfert illégal de 4,5 milliards en liquide à l’étranger, ainsi qu’une fraude aux obligations estimée à 1,2 milliard de dollars. Les autorités ont estimé que le préjudice national dépasse largement les pertes financières, ébranlant la confiance du public dans le système bancaire et révélant de profondes failles dans les mécanismes de contrôle.
L’affaire a profondément choqué l’opinion publique vietnamienne. Des milliers de petits épargnants, qui avaient placé leur argent à la SCB, ont vu leurs économies s’évaporer. Face à l’émotion suscitée, des manifestations inédites ont été tolérées par le régime communiste, d’ordinaire peu enclin à laisser la rue s’exprimer.
Dans une dernière tentative de défense, Truong My Lan a exprimé ses remords. « C’était un accident », a-t-elle affirmé, les larmes aux yeux. « Depuis mon incarcération, j’ai fait de mon mieux pour gérer mes projets et mes propriétés… Veuillez reconnaître mes efforts », a-t-elle supplié, selon des propos rapportés par les médias d’État.
Malgré ces appels à la clémence, la justice a tranché. Toutefois, les procureurs ont recommandé une réduction de peine, soulignant que l’ancienne femme d’affaires avait remboursé un quart des sommes obtenues frauduleusement. Une atténuation de peine qui, si elle était confirmée à l’avenir, ne ferait pas oublier la gravité d’un scandale qui continue de faire vaciller les piliers économiques et moraux du Vietnam contemporain.
Article écrit par : Mariama Ba
Mis en ligne : 21/04/2025
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