C’est un véritable séisme politique qui secoue la Côte d’Ivoire. Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), vient d’être radié de la liste électorale par la justice ivoirienne. En cause : la perte de sa nationalité ivoirienne, automatiquement survenue selon les autorités judiciaires, lorsqu’il a acquis la nationalité française en 1987.
Une décision qui, à six mois du scrutin présidentiel prévu le 25 octobre, sonne comme un coup de massue pour l’opposition et ravive les inquiétudes sur l’état du jeu démocratique dans le pays. Pour Afrik.com, ce verdict relance les accusations de « verrouillage électoral » et contribue à « cristalliser les tensions autour du processus démocratique ivoirien ».
À Abidjan, le site Presse Côte d’Ivoire parle d’un « rebondissement majeur » dans un contexte politique déjà sous tension. Depuis son retour au pays en 2023, la figure de Tidjane Thiam incarnait pour beaucoup l’espoir d’une alternance face au pouvoir en place. Sa disqualification est perçue comme un bouleversement du paysage politique ivoirien.
Et ce n’est pas un cas isolé. L’ancien président Laurent Gbagbo, ainsi que Charles Blé Goudé et Guillaume Soro, ont eux aussi été déclarés inéligibles suite à des condamnations judiciaires. Une série d’exclusions qui jette une ombre sur la crédibilité du scrutin. « Cette cascade d’évictions pourrait porter atteinte à l’équilibre démocratique du pays », s’inquiète Le Point Sur, évoquant un processus électoral vidé de toute véritable pluralité.
Dans une réaction ferme, Tidjane Thiam a dénoncé mardi soir une « manœuvre politique » visant à l’écarter de la présidentielle. Il pointe du doigt des militants du parti au pouvoir, accusés d’avoir orchestré la procédure judiciaire, avec le soutien de juristes favorables au régime. « L’environnement est entièrement contrôlé », déplore-t-il.
Malgré cette mise à l’écart, l’ex-banquier d’affaires ne semble pas prêt à jeter l’éponge. « Je suis déterminé à me battre pour que les Ivoiriens puissent choisir librement leur prochain président », a-t-il déclaré à L’Infodrome, appelant la communauté internationale à se mobiliser.
Le cœur du litige réside dans l’interprétation de l’article 48 du code de la nationalité ivoirienne : celui-ci stipule que toute acquisition volontaire d’une autre nationalité entraîne la perte de la nationalité ivoirienne – sauf pour les binationaux de naissance. Né en Côte d’Ivoire, Thiam avait obtenu la nationalité française en 1987, avant d’y renoncer en mars dernier pour pouvoir se présenter. Ses avocats soutiennent qu’il était français de naissance par filiation paternelle, ce qui le placerait dans l’exception prévue par la loi. Une argumentation rejetée par la justice.
Dans la presse régionale, la décision fait grand bruit. « Le ciel tombe sur la tête de Tidjane Thiam ! », s’exclame WakatSéra au Burkina Faso. Le journal Le Pays va plus loin, estimant que « les carottes sont cuites » pour le patron du PDCI, tout en appelant le parti à « sortir un plan B » pour éviter une présidentielle sans véritable opposition.
À Conakry, Ledjely s’interroge : « Va-t-on vers un remake de la crise de 2010 ? » Le média guinéen n’hésite pas à évoquer un retour du spectre de l’« ivoirité », ce concept controversé jadis utilisé pour contester la candidature d’Alassane Ouattara. Une ironie amère, selon Ledjely, puisque le PDCI, qui avait promu cette notion dans les années 1990, en fait aujourd’hui les frais.
Pour de nombreux observateurs, la disqualification en série des ténors de l’opposition – Gbagbo, Blé Goudé, Soro, et désormais Thiam – laisse présager un scrutin verrouillé, voire vidé de son essence démocratique. Si la justice ivoirienne assure agir dans le strict respect de la loi, les critiques fusent, évoquant un usage politique de l’appareil judiciaire au service du maintien au pouvoir.
Reste à savoir si cette décision fragilisera davantage la légitimité du processus électoral ou renforcera la détermination des partisans de l’alternance à faire entendre leur voix. Une chose est sûre : la présidentielle de 2025 s’annonce plus tendue que jamais.
Article écrit par : Mariama Ba
Mis en ligne : 23/04/2025
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