Révolte à l’écran : Le cinéma africain indépendant dérange - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Art & Culture | Par Maimouna | Publié le 25/05/2025 01:05:55

Révolte à l’écran : Le cinéma africain indépendant dérange

Parler du cinéma africain indépendant, c’est parler d’une urgence : celle d’un continent qui refuse d’être vu à travers le regard fatigué de l’Occident. Ce cinéma-là n’est pas un simple divertissement. C’est une arme. Une révolte visuelle. Un acte de résistance culturelle. Et parfois, une gifle salutaire à l’Afrique elle-même.

Pendant trop longtemps, l’Afrique n’a été qu’un décor exotique dans les productions mondiales. On y voyait la savane, la misère, les tambours, la guerre. Jamais l’intimité, la modernité, le doute, la complexité.

Il a fallu des voix comme Djibril Diop Mambéty, Safi Faye, Mahamat-Saleh Haroun ou plus récemment Rama Thiaw et Amjad Abu Alala, pour que l’on entende enfin des récits africains faits par des Africains, pour le monde entier, sans passer par le prisme occidental.

Mais attention : ce cinéma africain ne caresse personne dans le sens du poil. Il dérange. Il interroge. Il casse les codes du storytelling hollywoodien. Il mélange documentaire et fiction, réalisme cru et poésie hallucinée. Il prend son temps, à contre-courant du rythme TikTok. Il parle en langues locales. Il refuse les clichés, même les clichés “positifs” qu’on colle désormais à l’Afrique sous prétexte de « narration alternative ».

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Et pourtant, ce cinéma africain est largement ignoré ou méprisé par les pouvoirs publics africains eux-mêmes. Peu ou pas de financements, aucune vraie politique de soutien au cinéma indépendant, censure politique ou religieuse dans plusieurs pays, absence de salles de projection locales… Le combat est mené à mains nues. La plupart des films ne survivent que grâce à des coproductions européennes. Ironique, non ? Il faut passer par Paris, Berlin ou Bruxelles pour raconter Dakar ou Kinshasa.

Mais c’est justement dans cette pauvreté structurelle que naît une créativité radicale. Quand on n’a rien à perdre, on ose tout. Ces cinéastes n’ont pas peur d’aborder des sujets tabous : sexualité, corruption, violences sociales, identités queer, exils mentaux ou révoltes enfouies. Leur caméra est une machette qui tranche le silence, une lampe qui éclaire les coins sombres de nos sociétés.

Des films comme Atlantique de Mati Diop ou La Femme du fossoyeur de Khadar Ahmed ne sont pas là pour plaire. Ils sont là pour bousculer, déranger, réveiller. Ce cinéma africain indépendant ne cherche pas à « représenter l’Afrique » : il exprime une multiplicité d’Afriques, souvent contradictoires. Et c’est là sa force.

Ce cinéma africain n’est pas un musée ambulant de traditions africaines. Il ne fait pas dans le « wax », les proverbes et les danses rituelles à tout bout de champ. Il questionne l’identité au lieu de l’embaumer. Il pose la question essentielle : que veut dire être Africain en 2025, dans un monde globalisé, numérique, violent, en pleine crise écologique et identitaire ?

Le cinéma africain indépendant n’est pas un sous-genre ou un « cinéma du Sud ». C’est l’un des derniers espaces de vérité brutale et de beauté sauvage dans un monde saturé de contenus formatés. C’est un champ de bataille esthétique où l’Afrique refuse d’être réduite à une caricature.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Malamine Gueye.
Mis en ligne : 25/05/2025

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