La rumeur enfle, alimente les conversations dans les salons feutrés de Dakar comme dans les rues populaires : Macky Sall ambitionnerait de briguer le poste de Secrétaire Général des Nations Unies. Une éventualité qui, si elle se confirmait, pourrait repositionner le Sénégal au cœur de la diplomatie mondiale. Mais au pays de la Teranga, l’annonce non officielle divise profondément.
D’un côté, les soutiens de l’ancien chef de l’État voient dans cette perspective une opportunité rare pour le Sénégal d’inscrire son nom en lettres capitales dans l’histoire de l’ONU. De l’autre, les voix critiques – notamment proches du pouvoir actuel – dénoncent une manœuvre teintée de nostalgie politique et jugent le profil de Macky Sall peu compatible avec les exigences d’une telle fonction.
Président de la République du Sénégal de 2012 à 2024, Macky Sall n’a jamais dissimulé ses ambitions pour l’Afrique sur la scène internationale. Médiateur dans plusieurs crises en Afrique de l’Ouest, acteur engagé au sein de la CEDEAO et défenseur de causes globales comme le développement durable et la sécurité régionale, il a su se bâtir une image de diplomate aguerri. À la tribune des Nations Unies ou dans les coulisses de la COP, ses discours ont souvent porté la voix du continent.
Autant d’éléments qui plaident en faveur d’un homme dont l’expérience politique et diplomatique est difficilement contestable. Dans les cercles internationaux, son nom circule avec un sérieux certain, même si rien n’a encore été officialisé.
Toutefois, cette ambition se heurte à une réalité : le Sénégal post-Macky Sall reste marqué par les secousses politiques de la fin de son mandat. Arrestations de figures de l’opposition, tensions sociales, et une volonté de changement portée par le régime actuel ont terni l’image d’un dirigeant jadis perçu comme rassembleur.
Le nouveau pouvoir, incarné par le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, cherche à tourner définitivement la page. Dans ce contexte, une candidature de Macky Sall, sans appui politique clair à l’intérieur du pays, pourrait manquer de légitimité. Et dans les arcanes diplomatiques onusiennes, une candidature fragilisée sur le plan national est rarement bien perçue.
Au-delà du terrain sénégalais, la conquête du poste de Secrétaire Général des Nations Unies reste un exercice complexe. Entre équilibres géopolitiques et rivalités régionales, les tractations se jouent à plusieurs niveaux. L’Afrique, déjà représentée dans le passé par Kofi Annan, n’a aucune garantie de voir son tour revenir. Et même au sein du continent, les candidatures font l’objet de luttes d’influence.
Macky Sall devra non seulement convaincre les grandes puissances – à commencer par les États-Unis, la Chine et la Russie – de sa capacité à incarner une voix neutre et universelle, mais aussi rallier l’Union africaine et ses divers blocs régionaux. Une équation diplomatique d’autant plus délicate que certains partenaires africains pourraient préférer une figure moins clivante.
Si cette candidature venait à se concrétiser, elle pourrait être l’occasion pour le Sénégal de consolider son image de pays pivot en Afrique de l’Ouest, fort d’une tradition diplomatique reconnue. Mais elle risquerait aussi de raviver les fractures internes et d’interférer avec la volonté du gouvernement en place de redéfinir sa ligne politique, en rupture avec l’ère précédente.
À l’heure où l’Afrique réclame une voix plus forte dans les institutions internationales, le profil d’un ancien chef d’État africain, expérimenté et connu, n’est pas sans attraits. Mais encore faut-il que ce profil suscite l’unanimité, au moins sur le continent, et bénéficie d’un soutien clair de son pays d’origine.
Article écrit par : Fatoumata Diop
Mis en ligne : 09/06/2025
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