Ziguinchor suffoque. Xavier Diatta, directeur de CasaIndustries, tire la sonnette d’alarme : la Casamance est économiquement sinistrée, abandonnée par les institutions financières et asphyxiée par un monopole maritime autour de la liaison Dakar-Ziguinchor. Face à ce constat, il ne s’agit pas d’un simple oubli ou d’un retard de politique publique, mais d’un abandon organisé, institutionnalisé, où l’inertie des pouvoirs publics joue contre les intérêts d’une région déjà meurtrie.
La Casamance, pourtant riche en ressources humaines, naturelles et culturelles, continue de subir un traitement périphérique dans les politiques nationales. Depuis des décennies, les promesses de développement s’enchaînent, mais les actions concrètes peinent à suivre.
Le cas de la suspension de la liaison maritime Dakar–Ziguinchor illustre ce mépris : pendant des mois, la région a été coupée du reste du pays, comme si sa vie économique pouvait être mise en pause sans conséquence.
Ce blocage, qualifié d’embargo par Xavier Diatta, a exacerbé un isolement déjà profond. Comment peut-on envisager une relance économique quand la liaison Dakar-Ziguinchor est interrompue, que les marchandises ne circulent plus, que les touristes ne peuvent plus venir, et que les habitants doivent affronter des jours de route incertaine pour rallier la capitale ? La compagnie Cosama, seule autorisée à opérer la liaison Dakar-Ziguinchor, n’a fait que renforcer la fragilité du lien entre le Sud et le reste du pays.
Derrière cette exclusivité maritime se cache un problème plus large : l’absence de concurrence tue le service. Laisser à une seule compagnie la responsabilité de relier une région aussi stratégique est une erreur ou une manœuvre politique. Pourquoi interdire à d’autres opérateurs de proposer des alternatives ? Pourquoi empêcher l’émergence d’un transport maritime régional dynamique, adapté aux réalités locales ?
L’appel de Diatta à une cartographie claire des acteurs et à un financement orienté vers les vrais entrepreneurs est plus qu’un conseil : c’est une urgence. Les projets à effet d’annonce ne suffisent plus. Il faut une politique de relance sérieuse, construite avec les populations, pas contre elles.
L’exemple du Cap-Vert, archipel qui dépend presque exclusivement du transport maritime, est éclairant. L’ouverture à plusieurs compagnies maritimes a permis au pays de garantir un approvisionnement constant, un tourisme soutenu, et une meilleure mobilité interne. Pourquoi le Sénégal n’est-il pas capable de garantir un minimum de connectivité à une région terrestre pourtant enclavée de fait ? La comparaison est amère, mais nécessaire.
L’isolement de la Casamance ne se résume pas au bateau. Il s’inscrit dans un cadre plus vaste de sous-investissement dans les routes, les ponts, les aéroports, et les structures d’accueil économique. Cette défaillance structurelle entretient un cycle de pauvreté et d’exclusion. Comment espérer des investissements quand le premier obstacle est d’accéder à la région ?
Le temps des diagnostics est révolu. Il faut briser les chaînes de l’exclusivité, injecter des financements massifs dans les projets locaux portés par des acteurs crédibles, et surtout, écouter la voix de ceux qui vivent la réalité du terrain. La Casamance mérite mieux qu’un traitement secondaire. Elle mérite un engagement politique total, immédiat, audacieux.
Il faut en finir avec la politique de l’abandon. L’État doit choisir : relancer ou continuer à étouffer.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sophie Diop.
Mis en ligne : 02/07/2025
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