La 8e édition du Africa-Singapore Business Forum (ASBF), qui se tiendra du 26 au 28 août 2025 à Singapour, réserve une journée spéciale à la Mauritanie, une première pour ce pays d’Afrique de l’Ouest. Intitulé « Mauritania Business Day », cet événement mettra en avant les secteurs clés de l’économie nationale tels que le gaz, les mines, les infrastructures portuaires, la logistique, l’agroalimentaire, la finance et la digitalisation.
Organisé par le cabinet Meen & Meen en partenariat avec Enterprise Singapore et avec le soutien du ministère singapourien du Commerce, ce forum vise à promouvoir la Mauritanie auprès des investisseurs asiatiques et à renforcer les partenariats économiques. Si cette mise en lumière peut sembler positive, elle révèle surtout une stratégie déconnectée des réalités du pays et des besoins de sa population.
La Mauritanie est en effet riche en ressources naturelles, avec un potentiel important dans les secteurs du gaz et des mines, et dispose d’atouts géographiques indéniables pour le développement portuaire et logistique. Cependant, depuis des décennies, cette richesse ne s’est jamais traduite par une amélioration sensible des conditions de vie des Mauritaniens. Le taux de pauvreté reste élevé, l’accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi reste limité pour une large majorité, et les infrastructures de base sont souvent insuffisantes.
Dans ce contexte, mettre en avant ces secteurs dans un forum international, aussi prestigieux soit-il, soulève une question centrale : ces investissements attirés par Singapour profiteront-ils réellement à la population ou renforceront-ils uniquement une minorité privilégiée ?
Le choix des secteurs ciblés, gaz, mines, ports, finance, digitalisation, s’inscrit dans une logique classique d’attraction des capitaux étrangers, souvent orientés vers des activités extractives et financières à haute rentabilité immédiate. Or, comme l’ont démontré de nombreuses expériences africaines, ces secteurs ont tendance à générer des profits substantiels pour les multinationales et une petite élite locale, sans redistribution équitable vers la société.
Le cas de la Mauritanie ne fait pas exception : les projets miniers et gaziers sont majoritairement exploités par des compagnies étrangères ou des partenaires publics-privés où l’État joue un rôle limité. Les revenus générés alimentent peu les services publics ou la création d’emplois durables. De même, les infrastructures portuaires et logistiques sont souvent orientées vers l’exportation de matières premières, laissant peu de retombées concrètes en termes de développement local ou de diversification économique.
Dans le secteur bancaire et financier, la focalisation sur les investissements étrangers accentue les inégalités sociales, avec une concentration des richesses dans les mains d’une élite citadine, tandis que les zones rurales restent marginalisées.
Ce modèle d’ouverture économique largement orientée vers les capitaux étrangers a déjà été observé dans plusieurs pays africains. Le Nigeria, par exemple, riche en pétrole, continue de faire face à une pauvreté endémique malgré les milliards de dollars générés par ses ressources. L’Angola a longtemps souffert d’une économie dominée par le pétrole et le diamant, sans bénéfices tangibles pour la majorité de sa population. Ces exemples illustrent que l’intégration dans des forums d’affaires internationaux, aussi prometteurs soient-ils, ne suffit pas à garantir un développement inclusif.
Si la Mauritanie veut réellement transformer son économie au profit de ses citoyens, elle doit d’abord repenser sa stratégie d’investissement. Il ne s’agit pas seulement d’attirer des capitaux étrangers, mais d’imposer des règles claires de transparence, de redistribution, et de priorité aux besoins sociaux et économiques de la population locale.
Au lieu de valoriser des secteurs où le peuple ne voit guère d’avantages, il serait pertinent de favoriser des investissements dans l’agriculture durable, l’éducation, la santé, les énergies renouvelables, et la création d’emplois locaux. Cette orientation serait non seulement plus juste, mais aussi plus viable à long terme.
En exposant la Mauritanie à Singapour sous le prisme d’un business forum dédié aux grands investisseurs internationaux, on donne l’illusion d’une dynamique économique prometteuse, alors qu’en réalité, cette approche renforce les inégalités et éloigne les bénéfices du développement de la majorité des Mauritaniens. Les décideurs mauritaniens doivent revoir leur modèle économique et placer les intérêts de leur population au cœur de toute stratégie d’investissement.
Le vrai progrès ne viendra pas de la multiplication des rencontres internationales pour séduire des investisseurs étrangers, mais d’une politique audacieuse qui transforme la richesse nationale en bien-être collectif. La Mauritanie ne doit plus servir uniquement de vitrine pour une élite ; elle doit devenir un pays où chaque citoyen peut tirer profit de ses richesses naturelles et humaines.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Zahra Fall.
Mis en ligne : 11/07/2025
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