La mort à l’ère des réseaux sociaux : L’exemple de Mamy Tall - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Nécrologie | Par Eva | Publié le 30/07/2025 02:07:15

La mort à l’ère des réseaux sociaux : L’exemple de Mamy Tall

Le décès brutal de Mamy Tall, architecte visionnaire et fondatrice de Dakar Lives, a provoqué une vague d’émotions sur les réseaux sociaux. Malgré la gravité du moment, force est de constater que la société semble incapable d’honorer ses morts avec la profondeur qu’ils méritent. Face à la disparition de figures aussi inspirantes, la superficialité ambiante des réactions publiques est un signe inquiétant de notre rapport au deuil, à la mémoire, et à la vie elle-même.

Mamy Tall n’était pas qu’une architecte de talent. Elle était un esprit visionnaire, ancré dans l’esthétique africaine et porté par un souci du développement durable. À travers Dakar Lives, elle avait redonné vie aux patrimoines oubliés et ouvert des espaces de réflexion sur l’urbanisme africain. Sa disparition aurait dû être l’occasion d’un recueillement collectif profond. Pourtant, après les traditionnels messages d’hommage, les discussions ont bien vite repris leur cours : bruyantes, superficielles, presque indécentes.

Nous vivons dans une époque où la mort est consommée à la vitesse d’un post Instagram. Une minute de silence, suivie de mille stories. Des éloges fugaces, aussitôt effacés par le fil continu du divertissement. Le décès de Mamy Tall en est une nouvelle illustration. Cette femme qui vivait pour bâtir, pour transmettre, pour célébrer la beauté de nos espaces africains, semble aujourd’hui réduite à quelques phrases bienveillantes, perdues dans le bruit.

Et c’est là que le bât blesse : pourquoi notre société, si bavarde quand tout va bien, devient-elle aussi vide de sens quand il s’agit de la mort ? Pourquoi nos mots n’ont-ils plus de poids, même face à l’ultime silence ? Comme l’écrivait Cheikh Ahmadou Bamba dans Massalik al Jinaan : « L’homme périra plus souvent par sa bouche que par son pas. » Le verbe ne devrait-il pas être prière ? Or il devient vacarme.

Le deuil comme simulacre collectif, les réactions publiques, souvent mécaniques, montrent que nous avons perdu le sens du recueillement. À quoi bon poster un hommage si, une heure plus tard, on partage une blague ou une polémique sans pudeur ?

L’oubli rapide comme symptôme d’une société pressée, à peine évoquée, la mémoire de Mamy Tall semble déjà enfouie sous l’actualité. Pourtant, son œuvre, elle, mérite d’être enseignée, méditée, poursuivie.

L’absence de rites profonds, nos sociétés modernes, surtout urbaines, ont désacralisé la mort. Là où jadis on pleurait ensemble, on médite désormais en solitaire ou pas du tout.

Dans d’autres contextes, comme au Japon ou dans certains pays scandinaves, la mort reste un moment sacré, entouré de silence, de rituels durables, et de mémoire collective. Chaque figure publique disparue devient un chapitre vivant de la mémoire nationale. Pourquoi pas chez nous ? Mamy Tall aurait mérité une veillée de l’esprit, un symposium sur son travail, une fondation à son nom et non simplement quelques « RIP » numériques.

Mamy Tall n’était pas une figure quelconque. Elle était de celles qui bâtissent en silence, mais changent profondément le paysage. Sa disparition aurait dû réveiller en nous la conscience de notre finitude. Et pourtant, nous continuons à vivre comme si nous étions immortels, à parler comme si la mort n’était qu’un bruit de fond.

Alors, souvenons-nous. Pas seulement de Mamy, mais de ce que signifie vivre en conscience. Reprenons nos langues, retenons nos verbiages, et honorons nos morts avec la dignité qu’ils méritent. Car demain, ce sera moi. Toi. Nous.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 30/07/2025

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Awa Ba
paix a son ame
Le 2025-07-30 16:39:59

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