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La communauté vient d’être frappée par deux tristes nouvelles coup sur coup : le décès de l’actrice Arame Diop, connue pour son rôle de Tabara dans la série Fasséma, et celui de la TikTokeuse Ndickou Doumbouya, dont les paroles prémonitoires, « Bayina milieu » (« J’en ai marre du milieu »), résonnent aujourd’hui comme un appel à l’aide ignoré. Ces drames ne sont pas des accidents isolés. Ils révèlent une réalité cruelle : dans notre société hyperconnectée, ceux qui nous font rire, rêver ou réfléchir sont souvent les plus vulnérables, les plus exposés à la pression, à l’isolement et à la souffrance silencieuse. Face à ces disparitions, il faut cesser de regarder ailleurs et d’assumer notre responsabilité collective : nous devons prendre soin les uns des autres, avant qu’il ne soit trop tard.
Les réseaux sociaux et l’industrie du divertissement africain ont créé une nouvelle génération de stars, adorées pour leur talent, leur énergie et leur authenticité. Pourtant, derrière les écrans, ces influenceurs et artistes paient un lourd tribut. Les études le confirment : 46 % des 18-24 ans estiment que les réseaux sociaux nuisent à leur santé mentale, générant anxiété, dépression et sentiment d’échec face à des modèles de réussite inatteignables. En Afrique, où les structures d’accompagnement psychologique sont rares et où la monétisation des contenus reste limitée, les créateurs de contenu sont souvent livrés à eux-mêmes, exploités par des plateformes qui les poussent à toujours plus de visibilité, sans filet de sécurité.
Ndickou Doumbouya, comme tant d’autres, a exprimé sa détresse en public. Son interview poignante, quelques mois avant sa mort, était un cri d’alarme. Pourtant, qui a tendu la main ? Qui a écouté au-delà des likes et des partages ? La réponse est accablante : presque personne. Les algorithmes, eux, ont continué de tourner, indifférents à la souffrance humaine.
Les paroles de Ndickou, « Bayina milieu », ne sont pas une simple lassitude. Elles traduisent un épuisement moral, une solitude face à un système qui broie les individus. Les influenceurs africains, contraints de multiplier les partenariats pour survivre, subissent une double peine : pression constante pour produire du contenu, et absence de reconnaissance ou de protection. Leur santé mentale est sacrifiée sur l’autel des vues et des revenus publicitaires.
Pire, leur détresse est souvent instrumentalisée. Après leur mort, les hommages pleuvent, les messages de soutien inondent les réseaux. Mais où étaient ces mêmes voix quand ils criaient leur mal-être ? Pourquoi attend-on qu’un drame survienne pour s’émouvoir ? Cette hypocrisie collective est insupportable. Nous sommes tous complices : en likant sans écouter, en partageant sans agir, en confondant notoriété et bien-être.
En France, des familles ont déjà attaqué TikTok en justice pour son rôle dans le suicide d’adolescentes, accusant la plateforme de favoriser des contenus toxiques. En Afrique, où les régulations sont quasi inexistantes, les influenceurs sont encore plus vulnérables. Leur mort n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un système qui les use et les jette.
Les études montrent que l’exposition prolongée à des contenus idéalisant la réussite ou la souffrance aggrave les troubles mentaux, surtout chez les jeunes. En Afrique, où les standards de réussite sont souvent importés et inaccessibles, le risque est encore plus grand.
Les artistes et influenceurs, malgré leur visibilité, sont souvent seuls face à leurs démons. Arame Diop, comme Ndickou, a peut-être manqué d’un soutien psychologique, d’un cercle solide, d’une oreille attentive. Leur célébrité ne les protège pas elle les isole.
Nous ne pouvons plus nous contenter de pleurer après les drames. Il faut briser le silence autour de la santé mentale, exiger des plateformes qu’elles protègent leurs créateurs, et surtout, apprendre à écouter. Un message de détresse n’est pas un contenu comme les autres. C’est un appel à l’aide.
En France, des familles se battent pour faire reconnaître la responsabilité des réseaux sociaux. En Afrique, des initiatives émergent pour soutenir les influenceurs, mais elles restent marginales. Il est urgent de généraliser l’accès à des psychologues, de créer des espaces de parole, et de sensibiliser le public à repérer les signes de détresse.
Ce problème n’est pas spécifique à l’Afrique. Aux États-Unis, en Europe, des influenceurs meurent par suicide ou burn-out, poussés par la même pression. La différence ? Dans ces pays, des lois commencent à encadrer les plateformes, des associations soutiennent les créateurs de contenu. En Afrique, le retard est criant. Pourtant, des pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire pourraient s’inspirer de ces modèles pour protéger leurs talents.
Les disparitions d’Arame Diop et de Ndickou Doumbouya doivent marquer un tournant. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la souffrance de ceux qui nous divertissent. Prenons soin les uns des autres : tendons la main à ceux qui en ont besoin, exigeons des plateformes qu’elles assument leurs responsabilités, et brisons le tabou de la santé mentale.
Leur mémoire ne doit pas être un simple hommage posthume. Elle doit devenir un engagement : celui de ne plus laisser personne crier sa détresse dans le vide. Parce que derrière chaque écran, il y a un être humain. Et parce que personne ne devrait en arriver à dire « Bayina milieu » sans trouver une oreille compatissante.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ibrahima Dieng.
Mis en ligne : 16/10/2025
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