Cette année, le projet de loi qui sera voté par la population comprend quelques nouveautés et points curieux. Il est important de les souligner pour que chaque citoyen puisse évaluer la crédibilité des chiffres et leur évolution positive. Je ne passerai pas en revue tous les détails, mais je mettrai en avant les plus faciles à comprendre.
En prévision des élections présidentielles, la loi votée en 2022 devait avoir une belle apparence en 2023. Elle était basée sur un taux de croissance de 10,1%, une première dans la région sénégalaise ! Cependant, ce taux totalement irréaliste a été réduit tout au long de l’exercice et est maintenant fixé à 4,1%. Espérons que cela se traduira par une amélioration perceptible du niveau de vie des citoyens.
Le taux de croissance du PIB est la donnée principale de la construction d’un budget, en particulier du niveau de recettes attendues. Les révisions en baisse de ce taux doivent immédiatement entraîner des rajustements des recettes et des dépenses ou de leur financement. Nous avions eu à le rappeler. Mais au Sénégal, l’orthodoxie est autre…
Nous avions remarque par ailleurs que, contrairement aux années précédentes, le stock de la dette extérieure n’avait pas été rappelé alors que son service augmentait de 40,7%. Là se trouvait sans doute la raison de cette privation d’information à la représentation nationale.
Cette année, le taux de hausse des prix, une autre donnée majeure pour tout budget, a également disparu. En grande nouveauté, le texte de présentation du budget insiste sur une rétrospective de 11 années démarrant en 2012, qui permet de rappeler et décrire « les réalisations du Président sortant ». Le Secrétariat du parti APR n’aurait pu mieux faire. Il n’y a toujours pas d’information sur le stock de la dette de l’Etat du Sénégal.
Le texte présenté fait référence à « l’ancienne méthode comptable » pour justifier le montant cumulant le total des dépenses de la loi de finances et l’amortissement de la dette afin de permettre de valider un discours politique basé sur la recherche de performances par le nombre de milliards dépensés quand la Loi organique de 2020 sur la loi des finances interdit un tel cumul.
Mais le plus grave est ailleurs.
Le PIB nominal 2022 avait été arrêté à 16.922,4 milliards fcfa. Un taux de croissance de 10,1% devait le porter à 19 008,7 milliards en 2023. Le taux de croissance réel est retenu à 4,1%, ce qui pourrait conduire à un PIB nominal d’environ 18 400 milliards. Le projet de LFI repose néanmoins sur un PIB 2023 maintenu à 19 008,7 milliards (taux de croissance de 10,1%) auquel est appliqué un taux de croissance de nouveau faramineux de 9,2%. Ce faisant, il peut être considéré que le budget 2024 repose de fait sur un taux de croissance du PIB supérieur à 15%. Le Sénégal ne serait pas sur le chemin de l’émergence ; il est prévu qu’il transperce le mur du son de l’émergence et établisse un record mondial de croissance.
Je vous laisse imaginer la fiabilité des chiffres de recettes, d’autant qu’ils sont calculés à partir d’un autre taux record, celui d’une pression fiscale relevée à 19,4%. Également la réalité du déficit budgétaire qui sera laissé en héritage…
Dakar le 24 novembre 2023
Article de : Abdoul Mbaye
Président de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail
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