La notion de héros national est une pierre angulaire de toute nation. Elle forge l’identité, ravive la mémoire collective et inspire les générations futures. Mais au Sénégal, cette question semble nimbée de confusion.
Nombreux sont ceux qui confondent « autour » et « alentour » lorsqu’il s’agit de désigner ces figures emblématiques auxquelles nous devons une fière chandelle. Les tirailleurs sénégalais, par exemple, incarnent un paradoxe troublant. Certains les qualifient de « traîtres », avançant qu’ils ont servi sous le drapeau du colon, combattant l’Algérie et Madagascar, peut-être même manu militari. Faut-il pour autant effacer leur nom du registre du panthéon historique africain, là où la patrie consacre les « grands hommes » ?
La réponse n’est pas simple et elle exige une lucidité historique que nous peinons encore à atteindre. Si nous ne pouvons ignorer les contradictions de leur engagement, nous ne devons pas non plus oublier qu’ils ont, pour beaucoup, participé à la libération de la France durant la Seconde Guerre mondiale.
À cet égard, la condamnation officielle du massacre de Thiaroye par l’État du Sénégal représente un acte politique courageux. En rappelant ce chapitre sombre de l’histoire, le président Bassirou Diomaye Faye a, à juste titre, attiré les troupes coloniales devant le tribunal de l’Histoire pour leur ignominie envers des soldats africains.
Mais cet acte, aussi noble soit-il, n’est qu’une étape. Aujourd’hui, la réécriture de l’histoire nationale est impérative pour restituer la vérité et redonner à chaque acteur de notre passé la place qui lui revient. Trop souvent, nos héros sont relégués à l’ombre ou leur mémoire galvaudée, alors qu’ils méritent d’être célébrés pour la noblesse de leur dessein. Ces figures charismatiques, que certains qualifient de « mystères divins », ont œuvré à réaffirmer la personnalité noire africaine, en bravant la psychose et les blessures imposées par le colonialisme.
La chefferie traditionnelle, en son temps, se trouvait prise entre deux feux : d’un côté, l’autorité coloniale, méfiante et réticente à partager le pouvoir ; de l’autre, la montée de l’islam, perçue comme une menace pour le statu quo. Mais derrière ces luttes de pouvoir se dessinait un mouvement plus profond, celui de la quête de dignité et de justice.
Alors, sur quels critères devons-nous élire nos héros nationaux ? Faut-il privilégier les figures ayant rendu des « services loyaux » à la nation ou celles qui, par leur combat, ont forgé notre identité et réaffirmé nos valeurs face aux oppressions ?
Ce débat reste ouvert, et c’est tant mieux. Car il reflète notre volonté de ne plus laisser l’Histoire s’écrire sans nous. Si nous voulons que la mémoire soit un outil de réconciliation et de fierté, il est grand temps de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Manuel Sarr
Mis en ligne : 10/01/2025
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