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L’accident survenu le 16 août 2025 à Thiadiaye, où un car « Ndiaga Ndiaye » a été percuté par un camion, faisant six morts et une vingtaine de blessés, n’est malheureusement qu’un épisode de plus dans la longue série des drames routiers qui endeuillent le Sénégal. Si les témoignages évoquent un camion tentant d’éviter un véhicule, la responsabilité des « Ndiaga Ndiaye » ces cars de transport en commun emblématiques mais dangereux ne peut plus être ignorée. Ces véhicules, souvent surchargés, mal entretenus et conduits par des chauffeurs épuisés, sont devenus les symboles d’un système de transport public défaillant, où le profit prime sur la sécurité des usagers.
Les « Ndiaga Ndiaye » et autres « cars rapides » sont le socle du transport interurbain au Sénégal depuis des décennies. Pourtant, leur état déplorable est un secret de Polichinelle : pneus lisses, freins défectueux, surcharge systématique, et une maintenance souvent réduite à sa plus simple expression. Malgré les promesses de modernisation comme le programme de renouvellement du parc automobile initié dès 2005 ou l’introduction progressive de bus électriques à Dakar la réalité sur le terrain reste inchangée. Les bus Tata, censés remplacer les vieux cars, peinent à convaincre, et les « Ndiaga Ndiaye » continuent de sillonner les routes, transformés en pièges mortels.
Les statistiques sont accablantes : en 2024, 290 morts ont été enregistrés sur les routes sénégalaises, avec la région de Dakar en tête des zones les plus meurtrières. Les « Ndiaga Ndiaye » et les cars rapides sont régulièrement impliqués dans ces drames, comme en témoignent les accidents récents à Castors, Ndoulo, ou encore lors du Grand Magal de Touba, où des collisions entre ces cars et d’autres véhicules ont fait des dizaines de victimes.
L’accident de Thiadiaye illustre parfaitement les dysfonctionnements structurels du secteur :
Des véhicules indignes de la route : Les « Ndiaga Ndiaye » sont souvent des épaves roulantes, maintenues en circulation par des propriétaires pour qui chaque voyage est une source de profit, peu importe l’état du véhicule. Les contrôles techniques, s’ils existent, sont rarement appliqués avec rigueur.
Une surcharge permanente : Les chauffeurs et receveurs, sous pression pour maximiser les recettes, entassent passagers et bagages bien au-delà des capacités légales, compromettant la stabilité et la maniabilité des cars.
Des conducteurs épuisés et indisciplinés : Les horaires interminables, l’absence de repos obligatoire, et une culture de l’impunité transforment chaque trajet en roulette russe. Les excès de vitesse, les dépassements dangereux et le non-respect des règles de base sont monnaie courante.
Où est l’État dans tout cela ? Le CETUD (Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar) a bien été mandaté pour moderniser le secteur, mais les résultats se font attendre. Les projets de bus électriques ou de partenariats public-privé, bien que louables, ne concernent que Dakar et peinent à s’étendre aux autres régions. Pendant ce temps, les routes nationales continuent de se transformer en cimetières à ciel ouvert.
La racine du mal est simple : dans le transport en commun sénégalais, la logique économique écrase toute considération de sécurité. Les propriétaires de cars, souvent organisés en groupements d’intérêt économique (GIE), privilégient les économies sur l’entretien et la formation des conducteurs. Les usagers, quant à eux, n’ont souvent pas le choix : faute d’alternatives fiables et abordables, ils montent dans ces véhicules de la mort, conscients des risques mais contraints par la nécessité.
Les promesses de réforme comme l’adoption d’un nouveau code de la route avec permis à points restent lettres mortes. Les sanctions contre les conducteurs indisciplinés sont rares, et les contrôles routiers, souvent corrompus, ne garantissent aucune sécurité. Pendant ce temps, les familles des victimes pleurent leurs proches, et la société sénégalaise s’habitue à ces drames, comme si la mort sur la route était une fatalité.
Au Maroc ou en Côte d’Ivoire, des réformes strictes ont permis de réduire significativement le nombre d’accidents mortels : contrôles techniques obligatoires et réguliers, limitation drastique de la surcharge, formation continue des conducteurs, et sanctions exemplaires en cas d’infraction. Au Sénégal, malgré les plans ambitieux affichés, l’application reste timide, voire inexistante. Le contraste est saisissant : alors que d’autres pays africains avancent, le Sénégal semble piétiner, prisonnier d’un système où l’intérêts privés l’emportent sur l’intérêt général.
L’accident de Thiadiaye n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un laxisme coupable et d’une absence de volonté politique. Les « Ndiaga Ndiaye » ne sont pas des moyens de transport, mais des bombes à retardement. L’État doit assumer ses responsabilités : interdire les véhicules indignes de circuler, appliquer des sanctions exemplaires contre les propriétaires et conducteurs négligents, et accélérer la modernisation du parc automobile sur l’ensemble du territoire.
La question n’est plus de savoir si un autre drame aura lieu, mais quand. Et combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant que les autorités ne comprennent que la sécurité routière n’est pas un luxe, mais une urgence absolue ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ibrahima Ba.
Mis en ligne : 25/08/2025
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