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Le Sénégal pleure aujourd’hui l’un de ses plus grands gardiens de la parole : Abdou Aziz Mbaye, président de l’Association des communicateurs traditionnels, nous a quittés. Dans un hommage vibrant, Amadou Ba, président de la Nouvelle Responsabilité, saluait un homme de rigueur, un pont entre les générations, un défenseur infatigable de la mémoire collective et de l’identité culturelle sénégalaise.
La tradition orale en Afrique, et particulièrement au Sénégal, n’est pas un simple folklore. Elle est le ciment de l’identité, le fil invisible qui relie les ancêtres aux vivants, la mémoire collective à l’avenir. Les griots, les communicateurs traditionnels, sont bien plus que des conteurs : ils sont les historiens, les médiateurs, les gardiens de la sagesse et de la paix sociale. Abdou Aziz Mbaye incarnait cette mission avec une élégance et une modernité rares, alliant la richesse du wolof à la précision du français, et faisant de chaque mot un pont entre hier et demain.
Dans un monde où la mondialisation menace d’uniformiser les cultures, où l’écrit et le numérique prennent souvent le pas sur la parole vivante, des figures comme Mbaye rappellent que la résistance culturelle passe aussi par la voix, par le récit, par le proverbe partagé. Son engagement pour structurer la profession et renforcer le rôle des communicateurs traditionnels, même au-delà des frontières du Sénégal, en fait un modèle de résilience et d’adaptation.
Abdou Aziz Mbaye n’était pas seulement un griot : il était un bâtisseur. À travers son action à la tête de l’Association des communicateurs traditionnels, il a œuvré pour que la parole ne soit pas seulement un héritage, mais aussi un outil de dialogue, de paix et de progrès. Son influence s’étendait bien au-delà des cercles culturels : il a su fédérer des générations autour de la préservation des traditions orales, considérées comme le socle de la mémoire collective.
Son œuvre rappelle celle d’Amadou Hampâté Bâ, qui disait : « En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » Mbaye, lui, a passé sa vie à empêcher ces incendies. Il a montré que la tradition orale n’est pas un vestige du passé, mais une force vive, capable de s’adapter aux défis contemporains, de résister à l’oubli et à l’uniformisation. Son action a aussi renforcé les liens entre les communautés africaines et leur diaspora, rappelant que la culture est un bien commun, un pont entre les continents.
Les récits, les proverbes, les enseignements de Mbaye ne disparaîtront pas avec lui. Ils vivent dans ceux qui les ont reçus, dans les archives sonores, dans les centres culturels qu’il a inspirés. Sa voix, porteuse de sagesse et d’humanité, continue de résonner comme un guide pour les jeunes générations.
Dans un monde où l’histoire africaine a souvent été niée ou minimisée, la tradition orale est une forme de résistance. Elle permet de préserver des pans entiers de la mémoire collective que les documents écrits ignorent. Mbaye a été un acteur clé de cette résistance, en modernisant la transmission sans en trahir l’esprit.
Son influence s’étendait à la diaspora sénégalaise et africaine, rappelant que la culture est un lien indéfectible. Les initiatives qu’il a portées ateliers, enregistrements, collaborations internationales – montrent que la tradition orale peut être un vecteur de cohésion sociale et de fierté identitaire, même à l’ère du numérique.
Pour que son héritage ne s’éteigne pas, il faut créer des espaces dédiés : centres culturels, archives sonores, prix littéraires, programmes éducatifs. Ces outils permettront de transmettre sa sagesse aux générations futures et de faire de la tradition orale un pilier de l’éducation et de la citoyenneté.
L’engagement de Mbaye rappelle celui d’autres grands noms de la tradition orale africaine, comme Amadou Hampâté Bâ ou les griots mandingues, qui ont su adapter leur art aux défis de leur époque. Comme eux, il a montré que la parole n’est pas un simple divertissement, mais un acte de résistance et de construction collective. Son action rejoint aussi celle des initiatives modernes, comme la Maison Lönni ou les projets de l’UNESCO, qui œuvrent pour que les traditions orales soient reconnues comme un patrimoine universel.
Abdou Aziz Mbaye nous a quittés, mais son héritage est une semence. Il nous rappelle que la mort n’est qu’un passage, et que les vraies richesses, la parole, la sagesse, la culture, ne meurent jamais tant qu’elles sont transmises. Son combat doit nous inspirer : celui d’une Afrique fière de ses racines, capable de les faire vivre dans le présent et de les projeter vers l’avenir.
À nous maintenant de prendre le relais. À nous de créer les espaces où sa voix pourra continuer de résonner. À nous de faire en sorte que, comme il l’a rêvé, la culture rime toujours avec dignité et progrès.
« Un homme meurt, mais sa parole reste. » Abdou Aziz Mbaye, lui, reste.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Aziz Ba.
Mis en ligne : 25/10/2025
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