Au-delà des tribunaux : Les vrais perdants de l’affaire Madiambal Diagne - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Eva | Publié le 03/11/2025 08:11:00

Au-delà des tribunaux : Les vrais perdants de l’affaire Madiambal Diagne

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Ce mardi, la Chambre d’instruction du tribunal de Versailles a reporté au 4 novembre 2025 l’examen de la demande d’extradition de Madiambal Diagne, homme d’affaires et patron de presse sénégalais, vers son pays d’origine. Si ce report est présenté comme une victoire stratégique pour sa défense, il soulève une question fondamentale : qui parle des Sénégalais lésés par les agissements de Madiambal Diagne ? Alors que la justice française accorde un sursis à un homme accusé de flux financiers illicites estimés à plus de 21 milliards de FCFA, les victimes présumées de ses activités restent dans l’ombre, leur attente de justice prolongée indéfiniment.

Cet article entend recentrer le débat sur ces oubliés du système judiciaire, dont la voix est trop souvent étouffée par les manœuvres dilatoires et les enjeux médiatiques.

Madiambal Diagne est visé par un mandat d’arrêt international émis par le Pool judiciaire financier de Dakar pour des soupçons de blanchiment, de corruption et de détournement de fonds publics. Selon les enquêteurs sénégalais, des sociétés proches de Diagne et de son entourage auraient servi de canaux à des rétrocommissions massives, tandis que sa famille et ses proches font l’objet de poursuites et de placements en détention provisoire au Sénégal. Pourtant, en France, Diagne bénéficie d’un contrôle judiciaire et d’un report de procédure, offrant à sa défense un temps supplémentaire pour peaufiner sa stratégie. Ce traitement contraste avec la rapidité avec laquelle d’autres dossiers d’extradition sont traités, notamment lorsqu’ils concernent des individus moins influents ou des pays occidentaux.

Le report de l’audience n’est pas anodin : il illustre les déséquilibres criants dans le traitement des affaires d’extradition, surtout lorsqu’elles impliquent des personnalités africaines puissantes. La justice française, souvent promptes à invoquer les droits de la défense, semble moins pressée de répondre aux attentes des victimes sénégalaises. Pourtant, les montants en jeu, plus de 21 milliards de FCFA, représentent des ressources détournées qui auraient pu financer des services publics essentiels, des infrastructures, ou des programmes sociaux au Sénégal. Les Sénégalais, déjà confrontés à des défis économiques majeurs, voient ainsi leur droit à la justice reporté, voire nié, au profit d’un homme dont l’influence médiatique et financière transcende les frontières.

Les médias français, quant à eux, se concentrent souvent sur les aspects juridiques et politiques de l’affaire, reléguant au second plan le sort des victimes. Les articles et reportages mettent en avant les arguments des avocats de Diagne, qui dénoncent une « instrumentalisation politique » de la procédure, mais rarement les conséquences concrètes de ces malversations sur la population sénégalaise. Cette couverture médiatique déséquilibrée participe à une forme de mépris institutionnel : les victimes, privées de voix, deviennent les grandes absentes d’un débat qui devrait pourtant les placer au cœur des préoccupations.

Le report de l’extradition prolonge l’attente des Sénégalais qui subissent les conséquences des actes reprochés à Diagne. Chaque jour de retard est un jour de plus sans réparation, sans transparence, sans responsabilité. Les familles, les contribuables, et les entreprises lésées par ces détournements attendent des réponses et des comptes. Pourtant, leur souffrance est rarement évoquée dans les tribunes ou les débats publics.

Par exemple, les frères Gupta, accusés de corruption massive en Afrique du Sud, ont vu leur extradition depuis Dubaï finalisée avec une célérité remarquable, sous la pression internationale. À l’inverse, les procédures impliquant des Africains en France sont souvent marquées par des délais interminables, des reports successifs, et une attention excessive portée aux droits de la défense, au détriment des droits des victimes. La France, qui se targue de promouvoir l’État de droit, semble appliquer des standards différents selon l’origine des justiciables ou leur statut social.

Dans les affaires de corruption transnationale, les victimes sont souvent des populations entières, privées de ressources vitales. Au Sénégal, les fonds détournés auraient pu servir à améliorer les systèmes de santé, d’éducation, ou de transport. Pourtant, ces victimes collectives n’ont ni avocat, ni porte-parole, ni tribune pour exprimer leur indignation. Leur silence est assourdissant, et leur absence des débats judiciaires et médiatiques est un scandale en soi.

Les médias français, en se focalisant sur les aspects techniques et politiques de l’extradition, contribuent à rendre invisibles les victimes. Les articles sur Diagne mentionnent rarement les conséquences humaines de ses agissements, préférant mettre en avant les stratégies de ses avocats ou les tensions diplomatiques entre Paris et Dakar. Cette omission n’est pas neutre : elle participe à une culture de l’impunité, où les puissants peuvent compter sur l’oubli des victimes pour échapper à la pleine mesure de leurs actes.

L’affaire Madiambal Diagne est emblématique d’un système judiciaire et médiatique qui, trop souvent, oublie les victimes au profit des puissants. Le report de son extradition n’est pas seulement une victoire pour sa défense : c’est aussi un nouveau coup porté à la confiance des Sénégalais dans la justice, française comme internationale. Il faut recentrer le débat sur ceux qui paient le prix fort de la corruption et des détournements : les citoyens ordinaires, dont les vies sont directement affectées par ces crimes économiques.

La justice ne doit pas être un privilège réservé à ceux qui peuvent se payer les meilleurs avocats ou mobiliser les réseaux d’influence. Elle doit être un droit pour tous, y compris pour les victimes silencieuses de Madiambal Diagne. En attendant, chaque report, chaque manœuvre dilatoire, chaque article qui ignore leur sort, est une injustice de plus.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Bassirou Gueye.
Mis en ligne : 03/11/2025

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