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Le monde de la lutte sénégalaise et de la presse sportive est en deuil. Pa Gora, de son vrai nom Gora Ndiaye, photographe emblématique de l’arène, a rendu l’âme ce vendredi après plusieurs jours d’hospitalisation à Bambèye. Pendant près de trente ans, il a immortalisé les grands moments de la lutte, des légendes comme Mbaye Guèye et Double Less aux icônes modernes Tyson et Yékini. Ancien photographe de Sunu Lamb, il a continué son métier après sa retraite, par passion. Mais au-delà de la nécrologie, c’est l’occasion de célébrer un artiste qui a élevé son métier au rang d’art, et de réfléchir à la place des photographes dans le sport, ces témoins silencieux qui transcendent l’éphémère pour en faire mémoire collective.
La lutte sénégalaise, ou Lamb, est bien plus qu’une discipline sportive : c’est une institution culturelle, un spectacle mêlant tradition, spiritualité et expression artistique. Chaque combat est une mise en scène où se jouent l’honneur, la force et l’identité d’un peuple. Les lutteurs y deviennent des figures mythiques, et les photographes comme Pa Gora, des gardiens de cette épopée. Son appareil photo a capté l’âme de l’arène, transformant des instants de sueur et de gloire en œuvres intemporelles. Dans un pays où la lutte incarne à la fois la fierté nationale et un patrimoine vivant, son rôle était essentiel : il fixait pour l’histoire ce que les mots ne suffisent pas à décrire.
Pa Gora n’était pas un simple reporter. Il était une « bibliothèque de l’image de la lutte sénégalaise », un témoin constant, respecté pour sa connaissance approfondie des acteurs et des rituels. Ses clichés ne montraient pas seulement des combats, mais des histoires, des émotions, des destins. Comme Neil Leifer pour la boxe, dont les images de Muhammad Ali sont devenues des icônes mondiales, Pa Gora a su capturer l’essence de la lutte : la tension avant le choc, la ferveur du public, la dignité des champions. Leifer a dit un jour que la photographie ne montre pas la réalité, mais l’idée que l’on s’en fait. Pa Gora, lui, a donné à voir l’âme de la lutte, avec ses rituels, ses danses, ses défis lancés à la nuit tombante.
Comme Leifer, qui a su immortaliser Ali dominant Liston, Pa Gora a saisi des moments où le sport devient art. Ses photos racontent la lutte comme une tragédie grecque moderne, où chaque gestuelle est chargée de sens.
Ses archives sont un patrimoine. Elles permettent aux jeunes de découvrir les géants d’hier, et aux anciens de revivre leurs exploits. Sans lui, une partie de cette mémoire risquerait de s’effacer.
Les photographes sportifs sont souvent les « parents pauvres » de la presse, pourtant leur travail est crucial. Pa Gora, comme Ousmane Ndiaye Dago ou Mandémory avant lui, a prouvé que la photographie sportive peut être une démarche artistique à part entière, méritant sa place dans les galeries et les livres d’histoire.
Neil Leifer a révolutionné la photographie sportive en captant l’intensité et l’émotion des athlètes. Ses images de Ali ou de Spitz sont devenues des symboles. Pa Gora a fait de même pour la lutte sénégalaise. Tous deux ont en commun d’avoir transformé leur passion en héritage, et d’avoir montré que le sport, quand il est saisi par un regard d’artiste, dépasse le cadre du stade pour entrer dans la culture populaire. Leur travail pose une question universelle : comment honorer ceux qui, derrière l’objectif, élèvent le sport au rang de légende ?
Pa Gora laisse un vide, mais aussi un trésor : des milliers d’images qui continueront d’inspirer. Son décès doit nous rappeler l’importance de préserver et de célébrer le travail des artistes du sport. Que ce soit par des expositions, des archives numériques ou des hommages publics, il faut reconnaître que des hommes comme lui sont les gardiens de notre mémoire collective. La lutte sénégalaise pleure son photographe, mais son œuvre, elle, reste éternelle.
En son honneur, ne laissons pas son art sombrer dans l’oubli.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 10/12/2025
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