Héritage précolonial vs réalité actuelle : Castes au Sénégal - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Thierno Barry Balde | Publié le 15/06/2024 06:06:06

Héritage précolonial vs réalité actuelle : Castes au Sénégal

Article opinion écrit par le contributeur : Aliou Niang.
Le système des castes représente une organisation sociale hiérarchique ancienne au Sénégal, héritage de l’époque précoloniale. Bien que l’idéologie officielle de l’État sénégalais se fonde sur l’égalité des citoyens, le poids des traditions perpétue encore aujourd’hui cette stratification sociale complexe.

Les castes déterminent le statut social, les activités professionnelles et les codes de conduite au sein de la société sénégalaise. Ce texte explore en profondeur les origines, les caractéristiques et les enjeux actuels liés à ce système séculaire.

Origines et fondements des castes au Sénégal
Les racines du système des castes au Sénégal remontent à la période impériale du Djolof et du Cayor, entre le XIIIe et le XVIe siècle. À cette époque, les royaumes Ouolofs établissaient une hiérarchie sociale rigide pour asseoir leur pouvoir. La classe supérieure était constituée des Guer (nobles guerriers) et des Torodo (familles maraboutiques respectées).

Suivaient ensuite les nénéno (gens de castes), artisans et travailleurs manuels répartis en sous-groupes endogames héréditaires. Les ñɔɔr (captifs et esclaves affranchis), formaient le groupe le plus défavorisé de cette pyramide sociale.

L’influence de l’Islam conforta cette structuration en reprenant le principe de la division sociale du travail. Les Musulmans arabisés valorisaient les activités intellectuelles et religieuses des lettrés au sommet, tandis que les tâches manuelles étaient dévolues aux groupes inférieurs. Ce système permit d’intégrer de nouvelles populations aux royaumes ouolofs, en leur attribuant des fonctions précises.

Les colonisations successives, d’abord portugaise, puis française, n’ébranlèrent pas fondamentalement ces hiérarchies. L’administration coloniale reposa d’ailleurs en partie sur des intermédiaires issus de la noblesse ouolof pour asseoir son autorité auprès des populations.

À l’indépendance en 1960, la nouvelle République sénégalaise se voulait porteuse d’une idéologie égalitaire inspirée des Lumières françaises. Pourtant, les pesanteurs du système des castes, ancrées dans les mentalités, perdurent jusqu’à aujourd’hui.

Les différents groupes de castes
La société sénégalaise contemporaine compte une multitude de castes, concentrées principalement parmi les ethnies ouolof, sérère, lébou et Toucouleur. On distingue d’une part les « castes supérieures » et d’autre part les « castes inférieures » de travailleurs manuels.

Les castes supérieures :
– Les guer ou gor (sing : guér) : nobles d’origine guerrière ouolofs
– Les torodo ou toorodo (sing : toorodo) : famille maraboutique influente
– Les sëriñ ou serin (sing : sëriñ) : chefs religieux mourides ou tidianes
– Les jambur ou djambour : griots traditionnels

Les castes inférieures regroupent de très nombreux sous-groupes endogames héréditaires.

En voici quelques-uns parmi les principaux :

– Les ñãñ ou gnagn : forgerons et bijoutiers
– Les ran ou ragn : cordonniers et bourreliers
– Les ràw ou ravl : vanniers, sculpteurs sur bois.
– Les rab ou rabr : tisserands
– Les ñàkk ou gnacq : griots des ñàkk
– Les ñori-ñor ou gnori-gnor : cordiers
– Les massri ou massri : tanneurs et mégissiers
– Les làwbé ou laobé : menuisiers
– Les saggor ou saggor : potiers
– Les gaulois ou gaulois : boisseliers
– Les malax : péripatétiques, nomades
– Les laalabés : maîtres-mendiants
– Les bëri-bëri : circoncis

Bien d’autres sous-castes existent au Sénégal, certaines propres à une région ou une ethnie particulière. Chaque caste dispose de règles d’endogamie strictes qui tendent à se perpétuer. Un système de préséance complexe régit les relations entre groupes de statuts différents.

Les castes supérieures
La catégorie des « gens de caste supérieure » rassemble les guers et torodos, ainsi que les sëriñ pour les confréries musulmanes.

Les guers ou gors (sing : guér)
Descendants des anciens guerriers-nobles des royaumes ouolofs, les Guers représentent l’aristocratie traditionnelle sénégalaise. Lors de la colonisation, l’administration française s’appuya d’ailleurs sur cette caste pour gouverner en nommant certains de ses membres comme chefs de canton ou de province.

Aujourd’hui, bien que leur pouvoir politique direct se soit estompé, les guers conservent un grand prestige social au Sénégal. Ils se distinguent par leur ascendance prestigieuse, censée leur conférer des qualités naturelles de courage, de noblesse et de leadership. De nombreuses familles guers de la région du Baol ou du Djolof comptent parmi l’élite économique et intellectuelle du pays.

Plusieurs présidents du Sénégal sont issus de cette caste, à l’image de Léopold Sédar Senghor ou Abdoulaye Wade. La diplomatie et les hautes sphères de l’État restent des domaines privilégiés pour les guers. Pourtant, cette caste n’est pas homogène et certaines de ses branches se sont appauvries au fil du temps.

Les torodo ou toorodo (sing : toorodo)
Les torodos forment un groupe distinct de lettrés et d’érudits musulmans, à l’origine responsables de l’éducation spirituelle et morale des souverains ouolofs. Cette caste tire sa légitimité de sa connaissance approfondie de l’Islam, de la philosophie et de la culture arabo-musulmane.

De nos jours, les Toorodos enseignent toujours la langue arabe et le Coran au Sénégal. Leur autorité morale demeure très respectée par les populations. Si certaines familles Torodo sont influentes politiquement, elles cherchent surtout à conserver leur indépendance vis-à-vis du pouvoir temporel.

Les leaders religieux des confréries mourides et tidianes appartiennent également aux « gens de castes supérieures ». Bien qu’issus de différentes origines ethniques, les Sérins ou Sëriñ (sing : Sëriñ) bénéficient d’un prestige immense et exercent une autorité spirituelle sur des millions de talibés (disciples) au Sénégal comme à l’étranger.

Tous ces groupes de caste supérieure partagent des codes sociaux valorisant l’érudition et la piété religieuse…

Article opinion écrit par le contributeur : Aliou Niang

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3 commentaires
Bob
Ceci est notre richesse en tant qu'africain. La hiérarchie dans les familles .
Le 2024-06-15 10:30:04
Alex
Le respect de l'aîné est une réalité en Afrique qu'il ne faut pas brisé
Le 2024-06-15 09:51:43
Thierno
Les familles sont divisées à cause de la colonisation
Le 2024-06-15 09:16:02

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