L’héritage de Bernard B. Dadié demeure un pilier incontournable de la littérature ivoirienne et africaine. Pourtant, six ans après sa disparition, force est de constater que son œuvre semble de plus en plus reléguée au second plan dans l’espace public.
Le documentaire Bernard Dadié, un homme de liberté, réalisé par Agnès Ribouton et récemment projeté à l’institut Goethe d’Abidjan, tente de raviver la flamme de son engagement littéraire et politique. Cette initiative pose une réflexion essentielle : accordons-nous à nos figures littéraires la place qu’elles méritent ?
Bernard Dadié a été un écrivain engagé, un poète et un homme politique dont les écrits ont dénoncé l’oppression coloniale et exalté l’identité africaine. Ses œuvres, de Climbié à Patron de New York, ont contribué à la construction d’une conscience collective, à une époque où l’Afrique cherchait à affirmer son indépendance. Pourtant, si ses textes sont toujours étudiés dans les écoles, leur impact semble s’étioler face aux nouveaux courants littéraires et aux bouleversements sociopolitiques contemporains. L’engouement des nouvelles générations pour des formats plus immédiats et accessibles remet en question la transmission de cet héritage.
Ce film documentaire se veut donc une réponse à ce déclin mémoriel. Franck Hermann Ekra, co-producteur du film et fondateur de la Bibliothèque-archives Bernard Binlin Dadié, souligne qu’il vient « combler une faille » en rétablissant un lien entre le passé et le présent. L’absence d’un véritable travail de valorisation de la littérature ivoirienne des pionniers a laissé place à une méconnaissance inquiétante de ces figures fondatrices. La production de ce film illustre un effort louable, mais elle ne saurait suffire à réinscrire durablement Bernard Dadié dans la mémoire collective.
Il est impératif que les institutions culturelles, les écoles et les médias jouent un rôle plus actif dans la promotion de son œuvre. Organiser des événements littéraires, rééditer ses livres avec un accompagnement pédagogique adapté aux jeunes générations et intégrer ses thématiques aux débats contemporains sont autant d’initiatives nécessaires. Le succès des œuvres d’Anzata Ouattara et d’autres écrivains ivoiriens actuels prouve que la littérature conserve son pouvoir d’attraction. Il suffit de lui offrir un cadre propice à son rayonnement.
En définitive, honorer la mémoire de Bernard Dadié ne devrait pas se limiter à un hommage ponctuel. Il s’agit d’un travail de longue haleine pour maintenir vivant son message et assurer sa transmission. Loin d’être un simple rappel du passé, son œuvre continue de poser des jalons pour penser l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. Ce documentaire représente une opportunité à saisir, mais il ne doit être que le début d’une véritable renaissance de son héritage.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pape Sané.
Mis en ligne : 13/03/2025
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