L’histoire du massacre de Thiaroye reste un épisode méconnu et pourtant fondamental pour comprendre les rapports entre la France et ses anciens soldats africains. Trop souvent réduit à un simple fait divers historique, cet événement illustre une réalité bien plus profonde : celle d’une mémoire sélective et d’une injustice persistante. Yves Monteil, photographe français, a choisi d’explorer cette tragédie à travers une enquête visuelle et historique, révélant ainsi des vérités que certains préféreraient taire.
Ce massacre, survenu le 1er décembre 1944, trouve son origine dans une revendication légitime : des tirailleurs sénégalais, de retour du front européen, réclamaient le paiement de leurs soldes. La réponse des autorités françaises fut brutale : une répression sanglante qui coûta la vie à ces hommes ayant pourtant combattu pour la France. Pendant des décennies, cette affaire fut entourée de silences et d’omissions. L’approche de Monteil, à travers son livre « Fecci Worma », permet de redonner une voix à ces oubliés de l’histoire en mêlant photographie et analyse documentaire.
Le travail de Monteil ne se limite pas à une reconstitution visuelle du drame. Il s’appuie sur des sources variées : archives publiques françaises, témoignages, documents historiques. Cette démarche méticuleuse lui permet d’identifier des éléments cruciaux, comme la topographie du camp de Thiaroye et la manière dont l’opération militaire a été menée. Il met en lumière l’implication des autorités françaises et le manque de transparence qui entoure encore ce dossier. Son travail souligne aussi le rôle des chercheurs comme Armelle Mabon, dont les investigations contribuent à lever le voile sur cette tragédie.
Mais au-delà du passé, c’est la question de la reconnaissance qui demeure en suspens. Malgré quelques avancées, la France peine à assumer pleinement sa responsabilité. Les descendants des tirailleurs attendent toujours des réparations symboliques et matérielles. L’ouverture d’enquêtes, comme celle annoncée par le gouvernement sénégalais, est une étape essentielle, mais elle ne saurait suffire sans une volonté politique forte de la part de la France. Ce manque de reconnaissance s’inscrit dans un contexte plus large de négligence envers les anciens combattants africains, relégués à un rôle secondaire dans l’histoire officielle.
L’initiative d’Yves Monteil rappelle ainsi une vérité essentielle : il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité. Thiaroye n’est pas une simple page du passé, mais un rappel des injustices commises et des dettes historiques encore impayées. La mémoire des tirailleurs sénégalais mérite mieux qu’un silence gêné ou des demi-mesures. Il est temps d’en faire un véritable devoir de mémoire, en reconnaissant pleinement cette tragédie et en lui accordant la place qu’elle mérite dans l’histoire collective.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Fatimata Sall.
Mis en ligne : 05/03/2025
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