Des enfants talibés utilisant des QR codes pour collecter l’aumône : une scène de plus en plus fréquente dans les rues de Dakar. Présenté comme un fait surprenant et presque « moderne », ce phénomène soulève néanmoins des inquiétudes majeures. Cette digitalisation de la mendicité n’est pas un progrès, mais une forme contemporaine d’exploitation, qui ne fait que perpétuer et aggraver les abus subis par ces enfants.
Au Sénégal, la question des talibés, enfants confiés à des maîtres coraniques dans des daaras, fait l’objet d’un débat ancien. Si certaines écoles religieuses offrent un cadre d’enseignement sain, beaucoup d’entre elles exploitent les enfants à des fins économiques. En les forçant à mendier quotidiennement, souvent dans des conditions déplorables, ces pratiques violent leurs droits fondamentaux. L’essor des technologies de paiement mobile, comme Wave, offre désormais un nouvel outil… non pas pour mettre fin à cette situation, mais pour la rendre encore plus rentable et insidieuse.
Cette adaptation apparente des enfants talibés aux outils numériques QR codes, téléphones, comptes mobiles donne l’illusion d’une autonomie ou d’un progrès. Mais sous cette surface moderne, la réalité reste tragiquement la même : des enfants contraints de mendier tous les jours, sous la pression d’adultes qui profitent de leur travail. Pire encore, ces outils technologiques renforcent le contrôle des marabouts sur les sommes rapportées, rendant la mendicité encore plus structurée et institutionnalisée.
Une normalisation dangereuse de la mendicité infantile : En rendant la mendicité « pratique », on réduit la gêne du passant et l’on banalise une pratique inacceptable.
Un renforcement de l’exploitation : Le suivi numérique des dons permet aux maîtres coraniques d’exiger des montants plus élevés avec une traçabilité directe. Cela accentue la pression sur les enfants, qui doivent désormais justifier chaque transaction.
Une illusion d’autonomie : Certains enfants disent « économiser » ou « gérer leur argent », mais cette indépendance est illusoire. Le téléphone est souvent caché, contrôlé ou offert par les marabouts ou les parents, et l’argent collecté est généralement remis au maître.
Une fuite de la responsabilité de l’État et de la société : En acceptant cette évolution, on détourne l’attention des vraies solutions : réforme des daaras, encadrement légal strict, protection de l’enfance, scolarisation.
Selon Human Rights Watch, environ 100 000 enfants talibés sont contraints à mendier au Sénégal. Des lois ont été votées pour interdire cette pratique, mais leur application reste faible, faute de volonté politique. Le rapport de 2021 du Comité des droits de l’enfant de l’ONU dénonce également cette exploitation persistante, malgré les engagements pris par les autorités sénégalaises. La technologie, au lieu de servir à sortir ces enfants de la rue, est ici instrumentalisée pour optimiser leur exploitation.
Dans plusieurs pays asiatiques comme l’Inde ou le Bangladesh, la mendicité des enfants est encadrée par des lois strictes. À New Delhi, par exemple, des ONG collaborent avec les autorités pour retirer les enfants de la rue et les inscrire dans des centres d’accueil. L’introduction de technologies pour « optimiser » la mendicité serait inimaginable, car elle irait à l’encontre de toute politique de protection de l’enfance.
La digitalisation de la mendicité des enfants talibés ne doit pas être perçue comme une adaptation positive aux réalités économiques du moment. Elle est une modernisation perverse d’un système d’exploitation déjà inacceptable. La société sénégalaise ne peut pas fermer les yeux sous prétexte d’innovation. Il est urgent que l’État, la société civile et les citoyens prennent leurs responsabilités. La technologie ne doit pas être l’outil de l’asservissement, mais celui de la libération.
Il faut interdire formellement l’utilisation de moyens numériques dans la mendicité des enfants et sanctionner sévèrement les responsables. Refusons de cautionner, même indirectement, ce système. L’innovation doit servir la dignité humaine, jamais l’abus.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Famara Diédhiou.
Mis en ligne : 10/06/2025
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